Interview podcast les voix du design thinking

Il y a plusieurs mois déjà, j’ai été interviewée par Inès Beatrix pour son podcast Les Voix du Design Thinking.

Elle y interviewe des sociologues, anthropologues, designers, facilitateurs, entrepreneurs et créatifs tous experts en innovation pour nous éclairer sur les stratégies, pratiques, techniques et conseils que vous pourrez mettre en pratique.

Sur un format de conversations plutôt longues et détendues (de 45 min à 1h environ), le podcast est très agréable à écouter et les sujets sont tout aussi variés que passionnants.

Pour ma part j’ai parlé de choses variées sur l’UX, avec évidemment pas mal de trucs et astuces sur les méthodes.

  • Mon parcours : de la psychologie à l’UX design, origine et motivation derrière l’écriture de mon livre
  • Focus groups : que faire quand l’un des membres du groupe monopolise la conversation ? Comment relancer les discussions ?
  • La technique de la photo elicitation
  • Personas : quand et comment les créer, leurs limites et les idées fausses les concernant –> Consultez l’article à ce sujet.
  • Sondes culturelles : quand et comment les utiliser ? Origines de la méthode et exemple de Bill Gaver
  • Comment s’assurer que les informations recueillies dans la phase d’exploration ne sont pas perdues dans les phases suivantes d’idéation, de prototypage et de test ?
  • Astuces pour prendre des notes pendant un entretien utilisateur et être plus efficace pendant la phase d’idéation
  • Pour conclure, on parle gamification, design persuasif, mes exemples UX préférés et mes sources d’inspiration !

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Inspirez vos équipes UX – les brainstorming days

Début 2017, j’ai lancé dans mon équipe à l’Université des sessions « Brainstorming Days », consacrées au team building, à l’expérimentation, la découverte, l’idéation et la résolution de problèmes. Le principe est simple : tous les 10 jours, l’équipe au complet se réunit pour une demi-journée. Pas de projets ni réunions à ce moment là.

Cela répondait aux défis suivants, dans lesquels vous vous reconnaîtrez sûrement : une équipe en expansion, un nombre de projets en évolution avec des gens travaillant seuls sur certaines tâches et du temps informel d’équipe qui se réduit drastiquement. Le but était de conserver une bonne dynamique de groupe, tout en faisant profiter chacun de la force du collectif pour résoudre des problèmes ciblés. Et aussi d’être dans une démarche constante d’apprentissage et d’amélioration de notre propre expérience de travail.

Comme plusieurs d’entre vous me l’ont demandé, voici une description du principe et format de nos brainstorming days. Comme pour tout, pas de recette miracle qui s’applique de la même manière à chacun, n’hésitez donc pas à adapter le format aux besoins de vos équipes si vous vous inspirez de nos pratiques.

Format

  • Une demi-journée tous les 10 jours (on avait commencé par une journée complète, mais un peu trop fatiguant – et on avait commencé par tous les 15 jours mais pas suffisant le groupe en demandait davantage)
  • De 5 à 12 participants (au-delà le temps s’étire pour que chacun s’exprime)
  • Une personne de l’équipe se porte volontaire pour coordonner la session (et amener de petits biscuits ou snacks), on tourne à chaque fois.
  • Les membres de l’équipe s’inscrivent sur un ou plusieurs slots selon les activités qu’ils veulent proposer (on fait ça tout bêtement via un Google Sheet partagé)

Activités

Globalement (mais c’est flexible), on structure cette demi-journée en 6 slots :

icebreaker / energiser (10-15 min): au-delà du côté team building, le fait de démarrer par un ice-breaker nous permet d’en tester des dizaines. On peut ainsi voir ce qui marche le mieux ou non et le temps que chaque activité prend réellement. Ensuite c’est facile de les transférer dans nos workshops respectifs.

7-min pitch (x2): sur un format court, l’un des membres de la team parle d’une choses qu’il trouve inspirante pour le groupe: complètement ouvert cela peut être une théorie, un outil, une méthode, une idée, un article, un film… On les utilise aussi parfois pour partager les résultats de recherche utilisateur particulièrement instructifs ou lorsque quelqu’un revient d’une conférence pour partager les highlights de ce qu’il a vu ou entendu.

Activités UX x 3 (1h environ chacune): les grands slots sont consacrés à toute activité UX qui soutient les projets des uns ou des autres. Le format est complètement libre. Comme le nom de nos journées l’indique, on brainstorme, mais on préteste aussi toutes nos activités et protocoles, on confronte des idées, on analyse des données de manière collaborative, on élabore des stratégies pour convaincre les parties prenantes ou futurs partenaires, on fait des répétitions de pitchs ou de conférences, etc. Bref tout est possible tant que cela contribue au développement des projets ou au développement personnel. Se faisant, on expérimente aussi tout un tas de nouvelles méthodes.

Les bénéfices sont multiples : la personne qui propose l’activité profite de l’ingéniosité de 12 cerveaux au lieu d’un seul, tous les autres apprennent en faisant,  sont inspirés pour leurs propres projets, on expérimente de nouvelles méthodes ou façons de faire sans crainte de l’échec et on partage du temps ensemble.
C’est aussi le moment idéal pour développer une culture éthique : on en parle, on anticipe les problèmes éventuels, on tente de résoudre au mieux ceux qui se posent.

Exemples concrets d’activités

Voici quelques exemples d’activités que nous avons réalisées avec la team HCI de l’Université du Luxembourg :

  • (7-min pitch) Les highlights de la conférence Interaction 18
  • (7-min pitch) Le GDPR et ses implications pour nos pratiques
  • (Idéation) Design Sprint : comment concevoir la meilleure expérience possible pour les participants à un design sprint ? (Méthode : UX cards)
  • (Stratégie) Stakeholders survival kit : quelles méthodes peut-on utiliser (ou adapter) pour soutenir l’implication des parties prenantes dans le process UX ? (Méthode : idéation puis création d’un kit de survie physique contenant 6 méthodes maximum)
  • (Idéation) Comment concevoir un keynote talk sur l’UX qui soit conçu comme une expérience et engage les participants ? (Méthodes reverse brainstorming et cheatstorming)
  • (Prototypage) Design studio express pour conception d’une appli
  • (Evaluation) Prétest d’un protocole d’entretien utilisant la méthode des experience narratives sur le thème des expériences mémorables au musée
  • (Analyse de données) Création collaborative d’un diagramme d’affinités sur base de données de focus group
  • (Outil) Introduction à MaxQDA
  • (Role play) Comment réagir face à des participants peu bavards à la fin d’un test utilisateur ?
  • (Méthode) Test de la méthode du photoboard
  • (Ethique) Design fiction sur base de la conférence de Tatiana Toutikian (avec ultérieurement projection d’épisodes de Black Mirror au Ulab)
  • (Just for Fun – mais développe les compétences à l’oral ) Session d’impro Pecha Kucha.
Parfois on fait aussi une session d’une journée pour une seule activité, comme ça a été le cas pour le prototypage d’une interface conversationnelle ou la création de personas sur base de 60 entretiens. Si la tâche paraît énorme pour une ou deux personnes, à 10 on est super efficaces.
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Brainstorming Day personas sur un jour

Conseils

Quelques conseils après 18 mois d’application au sein de notre équipe.

Sur la forme

prévoir les dates à l’avance, avec un jour régulier si possible. Ca permet de pas avoir de conflits d’agendas, car les gens savent que le mardi après-midi, c’est brainstorming day.
– le côté convivial est important. Boissons, petites spécialités maison, chocolats et j’en passe. L’ambiance est détendue, c’est du travail mais clairement le meilleur moment de la semaine !
ne pas négliger l’espace. On a la chance d’avoir un lieu dédié pour l’équipe et aménagé pour soutenir tout type d’activités : notre User Lab. C’est clairement notre QG, et ça aide beaucoup d’avoir cet espace unique (début 2017 on a fait les premières sessions dans des salles de réunion ou salles de classe >> beaucoup plus contraignant !). On a aussi testé des sessions en plein air, mais ça marche pas pour toutes les activités (et à Luxembourg y’a souvent du vent).
documenter les sessions : il va se passer beaucoup de choses et vous voulez en avoir une trace. Fréquemment on se dit : « c’était pas mal le icebreaker qu’on avait testé, tu te souviens encore comment on avait fait ? on a le template » ou bien « les idées qu’on avait générées pour le projet Y, ça pourrait bien me servir maintenant, tu sais où je peux les trouver ? ». On a débuté avec un dossier Dropbox partagé pour mettre les templates d’activité, résultats et photos mais c’était pas très vivant. On utilise à présent AirTable pour garder une trace des sessions (et de tous nos projets en général) et ça fonctionne super bien. Avec l’appli on peut ajouter chaque activité rapidement, mettre des tags et uploader des images, via la version desktop on ajoute les templates.
Petite astuce complémentaire : on profite de nos brainstorming days pour faire de belles photos de gens qui travaillent et collaborent pour nos slides. Seul hic : on a toujours pleins de nourriture sur les photos 🙂
Airtable brainstorming days UniLux
Documentez vos sessions rapidement (Airtable)

Sur le fond

bien délimiter les activités. On ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde en 1h. On a remarqué que quand les gens ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent parce qu’ils n’ont pas formulé les choses clairement, alors ça patauge et ce n’est pas efficace. Ceci dit, il arrive pour des raisons diverses qu’on déborde sur le timing parce que ça prend plus de temps que prévu ou que l’équipe est super inspirée sur le sujet. Dans ce cas c’est bien de savoir si l’une des activités au planning est moins urgente et peut être décalée à la fois prochaine.
– demander aux gens de préparer leurs activités. Notre métier c’est (entre autres) de faciliter des sessions de groupe, pas de raison de déroger à la règle sans préparation aucune. Si on fait une séance d’idéation, alors on va tester des méthodes de créativité différentes à chaque fois pas juste de simples brainstormings. Donc on arrive un peu préparé, on a une activité sympa et engageante, de petits templates etc. On considère nos collègues comme des participants et on les traite avec la même attention. Ca permet d’ailleurs aux plus juniors de s’entraîner à la facilitation de groupe.
>> En gros, demandez aux membres de l’équipe d’être des facilitateurs. Si vous animiez un workshop, vous ne viendriez pas sans aucune préparation, et sans idée précise de ce que le groupe doit faire.
– avoir des invités : on a régulièrement des invités qui viennent animer une session ou juste participer aux activités. Ca permet d’évangéliser auprès d’autres collègues ou de parties prenantes, d’enrichir nos perspectives et de développer des collaborations.
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Préparez les activités et expérimentez de nouvelles méthodes

Est-ce durable ?

Cela fait 18 mois qu’on a mis ça en place et ça a toujours le même succès. Les slots sont toujours tous pris car chacun a compris le potentiel d’avoir du feedback si riche régulièrement. Les gens partagent naturellement, s’entraident, et sont courant des projets de toute l’équipe ce qui facilite pas mal de choses en dehors des sessions aussi. Cela facilite aussi l’intégration de nouveaux collègues quand l’équipe s’agrandit.
Au niveau personnel, ça me permet de gagner un temps précieux pour conseiller les doctorants ou collègues : si je donne un conseil individuel, je dois le répéter plusieurs fois pour que tout le monde en profite. Ici, on mutualise. Et j’apprend autant du groupe que l’inverse.
Une fois de temps en temps, on consacre l’un des grands slots à réfléchir sur comment améliorer les sessions de brainstorming days. Qu’est ce qui marche bien ? ou moins bien ? Qu’est ce qu’on garde ou qu’on change ? Et on itère sur nos propres pratiques.

En conclusion, ou comment convaincre votre chef ?

Nos brainstorming days sont basés sur le principe que chaque activité bénéficiera à la fois à la personne qui la mène mais aussi à l’ensemble du groupe. Etre inspiré par de nouvelles méthodes/outils/théories, questionner et améliorer ses propres pratiques, apprendre à se connaître, débuter des collaborations, partager des problèmes éthiques … le tout dans une ambiance stimulante et bienveillante.
« Une fois tous les 10 jours personne ne travaille pour les clients et on est tous ensemble en équipe avec des snacks et des activités funs » –> J’entends déjà ceux qui diront que dans leur entreprise/agence c’est clairement impossible car c’est sûr, eux n’ont pas le temps (je l’ai déjà entendu plusieurs fois). Mais contrairement à ce que l’on peut penser les brainstorming days nous font gagner un temps fou.
C’est du développement d’équipe et du développement personnel pour chacun. On résout les problèmes bien plus vite et avec plus d’efficacité. On est plus créatifs et plus stratèges. On pré-teste toutes nos activités et grâce à cela on délivre avec une bien meilleure qualité. On a une équipe plus mature, plus collaborative, plus stratégique, plus bienveillante.
Les mots clés : partager, expérimenter, inspirer !

Cheatstorming : brainstormer sans générer d’idées

Le cheatstorming est une forme de brainstorming qui, paradoxalement, ne comprend pas de phase de génération d’idées ! Son nom provient de l’anglais cheat qui signifie tricher. Et effectivement, on triche un peu (ou disons qu’on recycle ^^) dans cette variante puisque vous allez inviter vos participants à réutiliser des idées générées dans de précédentes séances de brainstorming (sans relation avec la thématique) pour penser différemment et produire des concepts innovants.

Mais pourquoi et comment réutiliser des idées émises dans des contextes qui n’ont absolument rien à voir avec votre problématique actuelle ?

Le principe du cheatstorming est justement de stimuler la créativité en introduisant des stimuli incongrus. Bien que les post-its utilisés pendant la séance n’auront rien à voir avec la problématique de leur projet, la réaction naturelle des participants sera de trouver un lien entre la question posée et l’idée présentée, malgré ce qui les oppose. Parmi ces idées insolites ou surprenantes, certaines vous feront envisager votre problème sous un angle novateur !

Mise en pratique

Pour réaliser une séance de cheatstorming (cf. schéma ci-dessous) :

• A chaque fois que vous ferez un brainstorming avec votre équipe, peu importe la problématique, conservez toutes les idées proposées par les participants : retenues ou non, bonnes ou « mauvaises », gardez précieusement l’ensemble des post-its.

• Après avoir récolté les idées de plusieurs brainstorming distincts (3 au minimum pour avoir une variété et un grand nombre de post-its), sélectionnez aléatoirement 10 post-its (donc 10 idées).

• Lors de votre séance de cheatstorming, présentez ces idées au groupe comme si elles étaient les réponses à votre nouvelle problématique.

• Le groupe trie directement les idées fournies et sélectionne les 4 plus pertinentes par rapport au problème. On répète le processus 4 fois, pour avoir une quinzaine d’idées exploitables.


• Les idées sont alors adaptées au nouveau contexte et représentées sous forme de concepts. 
Les idées de base utilisées dans le cheatstorming n’ont pas été générées par les participants de la séance. Cependant, elles sont interprétées comme des possibilités et donnent ainsi lieu à de nouvelles idées pertinentes.

Processus cheatstorming

Exemples

Voyons deux exemples pour rendre les choses plus concrètes.

Comment pourrions-nous illuminer à faible coût les grandes villes pour réduire la criminalité nocturne ?

Dans leur article, Faste et al. (2013) utilisent le cheatstorming pour répondre à la question « Comment pourrions-nous illuminer à faible coût les grandes villes pour réduire la criminalité nocturne ? » Parmi les post-its des séances de brainstorming précédentes (sans aucun rapport avec cette question), les designers sont surpris de voir que 3 concepts sont basés sur des écrans qui émettent de la lumière. L’idéation les mène à imaginer une double fonction des écrans comme sources lumineuses et comme dispositifs publics d’appel des secours en cas d’agression. Un autre post-it contient l’idée « Airbag pour marcher », qui leur fait penser que les sources lumineuses pourraient être incluses dans les vêtements des gens plutôt que dans le mobilier urbain. Sans le cheatstorming, pas sûr que l’équipe aurait pensé à cette « inversion » de problématique.

Comment peut-on engager les participants et augmenter le niveau d’interactivité d’une conférence sur l’UX ?

J’ai utilisé le cheatstorming lors de la préparation de mon keynote d’ouverture à la conférence UXPA 2018. La question à laquelle j’ai demandé aux participants de répondre était : « Comment peut-on engager les participants et augmenter le niveau d’interactivité d’un talk ? » Comme le requiert la méthode, j’ai collecté en amont depuis plusieurs mois tous les post-its des différentes sessions de brainstorming, incluant des sessions par d’autres groupes issus d’autres disciplines. J’ai tiré au sort aléatoirement 10 post-its dans cette pile, pour chacun de mes 3 groupes de participants. Ils ont ensuite voté pour les 4 idées les plus pertinentes des 10 idées prédéfinies. Pour cela, chaque membre du groupe avait 4 votes individuels (représentés par 4 legos ou 4 gommettes). Les post-its ayant le plus grand nombre de points ont été sélectionnés. Les idées ex-aequo ont été discutées par le groupe jusqu’à ce qu’un consensus soit atteint pour avoir 4 post-its.

 

Chaque groupe a ensuite du imaginer comment chaque post-it répondait à la problématique. C’est ici que les participants ont du faire des liens entre des idées qui n’avaient initialement rien à voir avec ma question de comment concevoir une conférence engageante et interactive. Pour cela, j’ai distribué un template (Template cheatstorming EN FR), reprenant la problématique et laissant de la place pour retranscrire les idées issues du vote. La tâche des participants a été d’opérationnaliser comment l’idée répondait à la question, par exemple :

  • pour l’idée « donner un score », les idées concrètes ont été de « faire un sondage en live pendant le talk » ou de donner la possibilité à l’audience de « choisir en avance le contenu du talk ».
  • pour l’idée « utiliser des manuels ou du matériel », le concept d’un livret à distribuer aux participants a été évoqué (et je l’ai mis en place avec succès durant mon talk) mais aussi celle de faire du live sketching (avec une petite carte d’instructions) ou d’offrir les manuels les plus pertinents du domaine par tirage au sort.

Pour fertiliser les idées, j’ai ensuite demandé à chaque groupe de donner sa feuille à un autre groupe qui a ajouté des idées complémentaires ou a élaboré davantage les idées du premier groupe (sur l’image suivante, les idées du bas en noir). Cette étape permet à chacun de voir les post-its choisis par les autres (il y a eu quelques blagues sur certains donc les autres groupes étaient curieux de savoir ce qui était si drôle), de contribuer, et de débattre tous ensemble à la fin de l’idéation. Au final, 6 templates de groupe collectés en 1h30 avec des dizaines d’idées intéressantes !

Capture d'écran 2018-07-09 14.48.41

Si vous testez la méthode, n’hésitez pas à partager votre expérience.

Références

Faste, H., Rachmel, N., Essary, R., Sheehan, E. (2013). Brainstorm, chainstorm, cheatstorm, tweetstorm: new ideation strategies for distributed HCI design. Proc. CHI 2013.

Lallemand, C. (2018). UXPA 2018 international conference – Opening keynote. Eventually everything connects. http://uxpa2018.org/sessions/opening-keynote

Sondes culturelles : exploration et inspiration

carte postale sonde culturelle

Des méthodes issues des recherches en design, la méthode des sondes culturelles (ou design probes) est l’une de mes favorites. Non conventionnelle et créative, elle est agréable et amusante pour les professionnels comme pour les participants et permet de recueillir des données riches et inspirantes. Imaginée par Gaver, Dunne et Pacenti (1999), la méthode des sondes culturelles a été utilisée pour la première fois dans le cadre du projet de recherche européen Présence à la fin des années 1990.

Qu’est ce qu’une sonde culturelle ?

Les sondes culturelles se présentent sous la forme de petits kits d’objets créatifs créés par les concepteurs et remis aux participants. Chaque objet du kit est accompagné d’une petite tâche à réaliser, de nature amusante et inspirante.

En emportant le kit dans leur environnement quotidien, les participants vont documenter eux-mêmes leurs expériences et pensées sur une thématique particulière. L’absence d’un observateur permet un recueil en contexte réel sur une durée prolongée.

Pourquoi utiliser cette méthode ?

La méthode des sondes culturelles est une méthode d’exploration des besoins utilisateurs (au même titre que les entretiens, les focus group ou l’observation par exemple). Elle s’utilise donc dans les phases amont des projets de conception. Les données recueillies permettent de s’imprégner de la vie des utilisateurs, de les comprendre et de ressentir une profonde empathie. L’avantage est que les participants vont compléter les sondes dans l’environnement naturel de l’interaction et sur une période de plusieurs jours. En documentant eux-mêmes leurs expériences, ils deviennent acteurs du processus de conception, ce qui facilite leur acceptation des solutions proposées ultérieurement.

Bien entendu, il est plus judicieux de l’utiliser en combinaison avec d’autres méthodes d’exploration plus traditionnelles, comme les entretiens ou les observations.

Mise en pratique

Le format du kit, le nombre d’objets inclus ou le type d’activités proposées aux participants est entièrement libre et adaptable selon le projet. En général on trouve de 5 à 15 objets dans le kit, selon la durée du projet et ses objectifs.

Une sonde culturelle peut prendre la forme de n’importe quel support qui permet aux participants d’exprimer et de transposer leur expérience. Le kit est préparé avec soin, de manière artisanale. On évitera les objets trop bien finis ou l’impression industrielle.

Cinq étapes pour appliquer la méthode :

  1. Planifier l’étude : réfléchir tout d’abord à la forme et au type de sondes qui pourraient faire sens pour votre thématique. Avec votre équipe, brainstormez et créez de premières esquisses. Répartissez-vous ensuite le travail.
  2. Recruter les participants : effectuez un premier filtrage des candidats, en face-à-face ou par téléphone puis programmez une première rencontre dans le contexte à étudier, sous forme d’un court entretien informel. Affinez vos idées de sondes en fonction de vos participants (rappelez-vous, le but des sondes est de créer un lien privilégié avec ces derniers).
  3. Créer les sondes : originales, inspirantes, esthétiques, créez des sondes qui engagent les participants et leur donne envie de partager leurs expériences. N’hésitez pas à aller au bout de votre concept avec un emballage des sondes qui peut représenter la thématique (une valise pour la thématique du voyage, une trousse pour une thématique scolaire, …)
  4. Déployer les sondes : les consignes doivent être claires, car vous ne serez pas là pour expliquer. On favorise des tâches brèves, et faciles à réaliser. Lors de la remise du kit, briefez vos participants sur la façon de compléter le kit, tout en gardant une part de mystère sur son contenu (ne déballez pas les objets un à un, au risque de gâcher l’effet de surprise). Expliquez aux participants qu’ils peuvent remplir tout ou partie du kit selon ce qui les inspire. Laissez-leur ensuite les sondes durant plusieurs jours ou semaines et prévoyez en amont un moyen de les renvoyer (ou un RDV pour les récupérer).
  5. Analyser les résultats : il n’y a pas réellement de méthode d’analyse pour classer ou comprendre les sondes culturelles retournées par vos participants. Elles vont agir comme des sources d’inspirations pour les membres de l’équipe. On ne cherche pas à aggréger ou « moyenniser » les données collectées ici, mais plutôt à y trouver des éléments uniques qui nous renseignent sur l’expérience des participants, nous imprègnent de leur style de vie et leurs pensées. On peut créer un « mur de sondes » où l’on affichera l’ensemble des productions des participants.

Exemples de sondes

Voici quelques idées pour vous aider à démarrer (ne vous limitez pas et soyez créatifs en fonction de votre thématique !) :

un appareil photo compact, accompagné d’instructions sur des photographies à prendre ou un dictaphone pour enregistrer des pensées et des sons. Souvent l’emballage de l’appareil est personnalisé. Les appareils jetables n’étant plus communs, créez à bas coût vos propres appareils (toutes les explications sur le site probetools.net)

des cartes postales avec une image inspirante ou provocante au recto et une question unique au verso, à laquelle le participant répondra librement.

un journal de bord (ou blog) ; son contenu peut être libre ou contenir des instructions de choses à écrire ou à dessiner

du papier à lettres personnalisé : on peut demander au participant de rédiger une lettre d’amour ou de rupture (par exemple avec un produit), ou bien de s’écrire une lettre à lui- même plus jeune dans le passé, ou plus vieux dans l’avenir

des sacs ou petites jarres pour collecter des objets : ils permettent aux participants de capturer quelque chose d’important de leur vie (un moment, une musique, une odeur, un objet, une expérience ou un lieu), soit physiquement, soit en écrivant son nom sur un petit papier glissé à l’intérieur de la jarre.

un poster à compléter : si vous étudiez l’expérience dans un environnement donné, le poster peut être une idée créative. Toujours visible de vos participants, sa complétion devient une tâche ludique jour après jour.

quelles sont vos idées ? n’hésitez pas à les poster en commentaire de ce post !

L’atelier Design probes du FLUPA UX-Day

Retrouvez les slides de l’atelier Design probes au FLUPA UX-Day 2015.

Découvrez sur FlickR, les kits de sondes créés par les participants aux ateliers et récupérés à la fin de la conférence.

 

Cet article est basé sur le chapitre 8 de mon ouvrage Méthodes de design UX. Pour aller plus loin et avoir tous les détails pour appliquer cette méthode, n’hésitez pas à consulter le chapitre du livre. 

En panne d’inspiration ? Suivez les stratégies obliques

En panne d’inspiration ? Confrontés à une difficulté ou un blocage sur un projet ? Utilisez les stratégies obliques pour vous aider à penser différemment ! Développées dans les années 1970, les cartes « stratégies obliques » (oblique strategies en anglais) sont intemporelles. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une méthode UX à proprement parler, leur caractère énigmatique et ouvert à l’interprétation leur permet d’être utilisés dans toutes les situations, et notamment les situations de création.

Naissance des cartes stratégies obliques : une rencontre entre deux artistes

C’est à Brian Eno et Peter Schmidt que l’on doit en 1975 la création de ce jeu de cartes, qui comprenait à l’origine « 113 dilemmes qui en valent la peine », leur nombre ayant été étendu ensuite dans quatre éditions ultérieures (respectivement en 1978, 1979, 1996 et 2001). Basées sur le principe de « pensée latérale« , les cartes favorisent l’innovation en approchant un problème sous plusieurs angles et en faisant sortir le designer de son schéma de pensée habituel.

oblique strategies instructionLes cartes sont nées d’une rencontre entre deux artistes, le premier musicien, le second peintre. Tous deux avaient l’habitude de prendre des notes sur leurs processus créatifs et de s’interroger sur des manières de contourner les blocages auxquels on peut faire face dans un processus de création.

L’auteur Brian Eno raconte que sa première stratégie oblique était « Reconnais tes erreurs comme des intentions cachées« . Or, l’un des conseil très similaire utilisé par son ami Peter Schmidt était : « Etait-ce vraiment une erreur ?« . C’est la mise en commun de leurs notes qui a donné naissance aux cartes stratégies obliques.

Comment utiliser les stratégies obliques ?

Le principe est si simple qu’il peut paraître déroutant : il suffit de suivre les conseils dictés par les cartes. Il s’agit parfois d’une action à réaliser, d’une citation énigmatique, d’un principe créatif. Parfois la carte paraît simple à comprendre, parfois elle est presque mystique. A ceux qui cherchent des règles claires et précises, présentées de manière rationnelle, passez votre chemin ! Ici il faut se prêter au jeu et laisser son esprit vagabonder sur les dilemmes qui nous sont présentés. Utiliser ces cartes, c’est une expérience en soi !

Selon les auteurs, il est possible d’utiliser les cartes de deux manières :

  • de manière aléatoire, une carte à la fois : choisir une carte au hasard et suivre le conseil dicté, même si celui-ci peut paraître vague ou sans lien avec l’action en cours
  • comme un paquet, un ensemble de possibilités : feuilleter et lire l’ensemble des cartes pour trouver des idées d’inspiration. Ici les cartes sont un ensemble de possibilités qui est passé en revue.
Voici quelques exemples de cartes pour vous donner un aperçu de leur contenu (mais il y en a de bien plus étranges !) :

Donne libre cours à ton impulsion la plus mauvaise

C’est tout à fait possible (après tout)

Enlève les éléments par ordre d’inimportance apparente

Que ferait ton meilleur ami ?

Où trouver les cartes ?

Les cartes « stratégies obliques » ont été développées en anglais, et de nombreuses applications mobiles ou sites web vous permettent de piocher une carte au hasard. Une traduction française circule également sur le net, sans que son auteur soit clairement identifié.

Pour les utiliser en français, vous pouvez par exemple télécharger la liste des stratégies obliques en français (format pdf) ou tirer des cartes au sort sur le site de David Rolo (http://www.davidrolo.com/strategies-obliques/)

Et si vous aimez le côté « bel objet », il est encore possible d’acheter la 5e édition des cartes sous forme de coffret sur le site de Brian Eno (ci-dessous).

Ressources