Interview podcast les voix du design thinking

Il y a plusieurs mois déjà, j’ai été interviewée par Inès Beatrix pour son podcast Les Voix du Design Thinking.

Elle y interviewe des sociologues, anthropologues, designers, facilitateurs, entrepreneurs et créatifs tous experts en innovation pour nous éclairer sur les stratégies, pratiques, techniques et conseils que vous pourrez mettre en pratique.

Sur un format de conversations plutôt longues et détendues (de 45 min à 1h environ), le podcast est très agréable à écouter et les sujets sont tout aussi variés que passionnants.

Pour ma part j’ai parlé de choses variées sur l’UX, avec évidemment pas mal de trucs et astuces sur les méthodes.

  • Mon parcours : de la psychologie à l’UX design, origine et motivation derrière l’écriture de mon livre
  • Focus groups : que faire quand l’un des membres du groupe monopolise la conversation ? Comment relancer les discussions ?
  • La technique de la photo elicitation
  • Personas : quand et comment les créer, leurs limites et les idées fausses les concernant –> Consultez l’article à ce sujet.
  • Sondes culturelles : quand et comment les utiliser ? Origines de la méthode et exemple de Bill Gaver
  • Comment s’assurer que les informations recueillies dans la phase d’exploration ne sont pas perdues dans les phases suivantes d’idéation, de prototypage et de test ?
  • Astuces pour prendre des notes pendant un entretien utilisateur et être plus efficace pendant la phase d’idéation
  • Pour conclure, on parle gamification, design persuasif, mes exemples UX préférés et mes sources d’inspiration !

Retrouvez le podcast sur :

iTunes : https://lnkd.in/ebpc4H5

Stitcher : https://lnkd.in/e2RsmjJ

Spotify : https://lnkd.in/evaCJFV

Soundcloud : https://lnkd.in/e2N_qy8

Et suivez les Voix du design Thinking sur Facebook et Twitter (@lesvoixdudt) ou Linkedin.

Sondes culturelles : exploration et inspiration

carte postale sonde culturelle

Des méthodes issues des recherches en design, la méthode des sondes culturelles (ou design probes) est l’une de mes favorites. Non conventionnelle et créative, elle est agréable et amusante pour les professionnels comme pour les participants et permet de recueillir des données riches et inspirantes. Imaginée par Gaver, Dunne et Pacenti (1999), la méthode des sondes culturelles a été utilisée pour la première fois dans le cadre du projet de recherche européen Présence à la fin des années 1990.

Qu’est ce qu’une sonde culturelle ?

Les sondes culturelles se présentent sous la forme de petits kits d’objets créatifs créés par les concepteurs et remis aux participants. Chaque objet du kit est accompagné d’une petite tâche à réaliser, de nature amusante et inspirante.

En emportant le kit dans leur environnement quotidien, les participants vont documenter eux-mêmes leurs expériences et pensées sur une thématique particulière. L’absence d’un observateur permet un recueil en contexte réel sur une durée prolongée.

Pourquoi utiliser cette méthode ?

La méthode des sondes culturelles est une méthode d’exploration des besoins utilisateurs (au même titre que les entretiens, les focus group ou l’observation par exemple). Elle s’utilise donc dans les phases amont des projets de conception. Les données recueillies permettent de s’imprégner de la vie des utilisateurs, de les comprendre et de ressentir une profonde empathie. L’avantage est que les participants vont compléter les sondes dans l’environnement naturel de l’interaction et sur une période de plusieurs jours. En documentant eux-mêmes leurs expériences, ils deviennent acteurs du processus de conception, ce qui facilite leur acceptation des solutions proposées ultérieurement.

Bien entendu, il est plus judicieux de l’utiliser en combinaison avec d’autres méthodes d’exploration plus traditionnelles, comme les entretiens ou les observations.

Mise en pratique

Le format du kit, le nombre d’objets inclus ou le type d’activités proposées aux participants est entièrement libre et adaptable selon le projet. En général on trouve de 5 à 15 objets dans le kit, selon la durée du projet et ses objectifs.

Une sonde culturelle peut prendre la forme de n’importe quel support qui permet aux participants d’exprimer et de transposer leur expérience. Le kit est préparé avec soin, de manière artisanale. On évitera les objets trop bien finis ou l’impression industrielle.

Cinq étapes pour appliquer la méthode :

  1. Planifier l’étude : réfléchir tout d’abord à la forme et au type de sondes qui pourraient faire sens pour votre thématique. Avec votre équipe, brainstormez et créez de premières esquisses. Répartissez-vous ensuite le travail.
  2. Recruter les participants : effectuez un premier filtrage des candidats, en face-à-face ou par téléphone puis programmez une première rencontre dans le contexte à étudier, sous forme d’un court entretien informel. Affinez vos idées de sondes en fonction de vos participants (rappelez-vous, le but des sondes est de créer un lien privilégié avec ces derniers).
  3. Créer les sondes : originales, inspirantes, esthétiques, créez des sondes qui engagent les participants et leur donne envie de partager leurs expériences. N’hésitez pas à aller au bout de votre concept avec un emballage des sondes qui peut représenter la thématique (une valise pour la thématique du voyage, une trousse pour une thématique scolaire, …)
  4. Déployer les sondes : les consignes doivent être claires, car vous ne serez pas là pour expliquer. On favorise des tâches brèves, et faciles à réaliser. Lors de la remise du kit, briefez vos participants sur la façon de compléter le kit, tout en gardant une part de mystère sur son contenu (ne déballez pas les objets un à un, au risque de gâcher l’effet de surprise). Expliquez aux participants qu’ils peuvent remplir tout ou partie du kit selon ce qui les inspire. Laissez-leur ensuite les sondes durant plusieurs jours ou semaines et prévoyez en amont un moyen de les renvoyer (ou un RDV pour les récupérer).
  5. Analyser les résultats : il n’y a pas réellement de méthode d’analyse pour classer ou comprendre les sondes culturelles retournées par vos participants. Elles vont agir comme des sources d’inspirations pour les membres de l’équipe. On ne cherche pas à aggréger ou “moyenniser” les données collectées ici, mais plutôt à y trouver des éléments uniques qui nous renseignent sur l’expérience des participants, nous imprègnent de leur style de vie et leurs pensées. On peut créer un “mur de sondes” où l’on affichera l’ensemble des productions des participants.

Exemples de sondes

Voici quelques idées pour vous aider à démarrer (ne vous limitez pas et soyez créatifs en fonction de votre thématique !) :

un appareil photo compact, accompagné d’instructions sur des photographies à prendre ou un dictaphone pour enregistrer des pensées et des sons. Souvent l’emballage de l’appareil est personnalisé. Les appareils jetables n’étant plus communs, créez à bas coût vos propres appareils (toutes les explications sur le site probetools.net)

des cartes postales avec une image inspirante ou provocante au recto et une question unique au verso, à laquelle le participant répondra librement.

un journal de bord (ou blog) ; son contenu peut être libre ou contenir des instructions de choses à écrire ou à dessiner

du papier à lettres personnalisé : on peut demander au participant de rédiger une lettre d’amour ou de rupture (par exemple avec un produit), ou bien de s’écrire une lettre à lui- même plus jeune dans le passé, ou plus vieux dans l’avenir

des sacs ou petites jarres pour collecter des objets : ils permettent aux participants de capturer quelque chose d’important de leur vie (un moment, une musique, une odeur, un objet, une expérience ou un lieu), soit physiquement, soit en écrivant son nom sur un petit papier glissé à l’intérieur de la jarre.

un poster à compléter : si vous étudiez l’expérience dans un environnement donné, le poster peut être une idée créative. Toujours visible de vos participants, sa complétion devient une tâche ludique jour après jour.

quelles sont vos idées ? n’hésitez pas à les poster en commentaire de ce post !

L’atelier Design probes du FLUPA UX-Day

Retrouvez les slides de l’atelier Design probes au FLUPA UX-Day 2015.

Découvrez sur FlickR, les kits de sondes créés par les participants aux ateliers et récupérés à la fin de la conférence.

 

Cet article est basé sur le chapitre 8 de mon ouvrage Méthodes de design UX. Pour aller plus loin et avoir tous les détails pour appliquer cette méthode, n’hésitez pas à consulter le chapitre du livre. 

Votre toolkit UX en français

Ce toolkit est focalisé sur les méthodes et outils académiques qui peuvent s’avérer utiles en pratique, et qui existent en français (ou que j’ai traduit avec l’accord des auteurs). J’ai évoqué la plupart de ces méthodes lors de mes conférences ou dans le livre Méthodes de design UX, où elles sont décrites bien plus en détail avec une approche pédagogique vous permettant de les appliquer correctement. Les outils francophones sont rares mais je mettrai l’article à jour dès que j’en déniche ou en traduit (et valide) un autre !

Si vous utilisez l’un des outils présenté dans ce toolkit, n’hésitez pas à m’envoyer votre feedback sur son usage en pratique : dans quel contexte vous l’avez utilisé, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui est facile ou non, comment vous l’avez adapté à vos besoins, si cela vous a apporté des résultats exploitables, quels livrables vous en avez tiré, … Il est réellement temps de construire plus de liens entre recherche et pratique et nous avons besoin mutuellement les uns des autres pour relever les challenges de l’UX design !


Outils d’idéation et de conception UX

UX Cards – Conception pour l’expérience utilisateur

UX Mind votre toolkit en FR.005

Les UX Cards (Lallemand, 2015) sont basées sur une approche psychologique de l’expérience utilisateur. L’épanouissement des besoins psychologiques fondamentaux est considéré comme l’un des principaux moteurs d’expériences positives avec les technologies. Pour concevoir des systèmes ayant une UX positive, les concepteurs doivent les considérer comme des moyens d’épanouir des besoins psychologiques, et pas uniquement des moyens de réaliser des tâches. Les 7 principaux besoins psychologiques transposables aux produits et services sont décrits sous forme de cartes pouvant soutenir la conception et l’évaluation. Le set est composé de sept cartes besoins et deux cartes d’instructions. Les UX Cards existent en anglais et en français.

Référence : Lallemand, C. (2015). Towards Consolidated Methods for the Design and Evaluation of User Experience. (Doctoral dissertation). University of Luxembourg.

Lien : https://uxmind.eu/portfolio/ux-design-and-evaluation-cards/

Téléchargement (version FR) : https://carinelallemand.files.wordpress.com/2015/12/ux-cards_lallemand_fr_v1.pdf

PLEX Cards – Conception d’expérience ludiques

UX Mind plex cards

Les PLEX Cards (Lucero & Arrasvuori, 2010) sont focalisées sur la conception d’expériences ludiques. Elles sont basées sur le cadre conceptuel PLEX (playful experiences) décrivant 22 catégories d’expériences ludiques. Deux techniques d’idéation sont proposées pour accompagner les PLEX Cards : PLEX Brainstorming (pour des idées nombreuses, rapidement) et PLEX Scenarios (pour des idées plus élaborées). Existent en français, anglais, espagnol ou allemand.

Référence : Lucero, A., & Arrasvuori. J. (2010). PLEX Cards: a source of inspiration when designing for playfulness. Proc. Fun and Games 2010. New York, USA: ACM, 28-37.

Lien : http://www.funkydesignspaces.com/plex/

Téléchargement : http://www.funkydesignspaces.com/plex/PLEX_Cards_French.pdf

Critères de persuasion technologique – Concevoir des interfaces persuasives

UX Mind persuasion technologique

Cette grille permet d’analyser les aspects persuasifs des interfaces technologiques selon 2 dimensions (aspects statiques vs. aspects dynamiques) et 12 critères principaux. Elle peut être utilisée pour réaliser une évaluation experte de la dimension persuasive des interfaces ou servir de guide pour orienter les choix de conception. Pour chaque critère, une définition, une justification ainsi que des exemples sont fournis.

Référence : Nemery, A. Elaboration, validation et application de la grille de critères de persuasion interactive. Psychologie. Université de Metz, 2012.

Lien : http://wp.me/a2i3pb-hJ

 


 

Outils d’évaluation UX

AttrakDiff – Questionnaire d’évaluation UX

UX Mind votre toolkit en FR.002

Le questionnaire AttrakDiff (Hassenzahl, Burmester & Koller, 2003) est l’un des outils d’évaluation de l’expérience utilisateur les plus utilisés au niveau académique. Initialement développé en allemand, il a récemment été traduit et validé en français (Lallemand et al., 2015). L’AttrakDiff repose sur le modèle théorique proposé par Hassenzahl pour expliquer la qualité perçue d’un système interactif. Il comprend 28 items répartis en 4 sous-échelles (qualité pragmatique, qualité hédonique-stimulation, qualité hédonique-identité, attractivité globale).

Référence FR : Lallemand, C., Koenig, V., Gronier, G., & Martin, R. (2015). Création et validation d’une version française du questionnaire AttrakDiff pour l’évaluation de l’expérience utilisateur des systèmes interactifs. Revue européenne de psychologie appliquée.

Lien : https://uxmind.eu/2015/09/30/outil-attrakdiff-version-francaise/

Bientôt : les versions françaises du User Experience Questionnaire et du questionnaire meCUE !

Complétion de phrases – Evaluation qualitative et projective de l’UX

UX Mind votre toolkit en FR.004

La complétion de phrases est une méthode qualitative d’évaluation de l’UX et/ou d’exploration des besoins et valeurs des utilisateurs. Les débuts de phrases sont des amorces qui doivent aider l’utilisateur à penser aux aspects expérientiels de l’interaction et à exprimer son ressenti de manière semi-structurée. Les résultats sont moins fastidieux à analyser que ceux obtenus à partir d’entretiens. Ils sont évidemment plus longs à analyser que les résultats d’un questionnaire, mais ils fournissent une information plus détaillée, notamment sur les émotions négatives.

Débuts de phrase et instructions disponibles prochainement !

 

Test des 5 secondes – Evaluation de la première impression

UX Mind votre toolkit en FR.001Le test des 5 secondes, que l’on retrouve aussi quelquefois sous les appellations Quick-Expo- sure Memory Test ou Rapid Desirability Testing, est une méthode qui recueille la première impression que les utilisateurs se forment spontanément d’un système. Le test consiste à présenter une interface statique à l’utilisateur, pendant exactement cinq secondes, puis à recueillir sa première impression à l’aide d’un court questionnaire.

Test des 5 secondes (instructions + questions) : https://carinelallemand.files.wordpress.com/2016/06/le-test-des-5-secondes.pdf

 

UX Curve – Evaluation rétrospective de l’UX en situation d’entretien

UX Mind votre toolkit en FR.003Après une période d’usage étendu, les courbes d’évaluation UX permettent d’analyser rétrospectivement les évolutions temporelles et fluctuations de l’expérience des utilisateurs en une seule session. Dans les méthodes d’évaluation par courbes, les participants dessinent plusieurs courbes pour décrire comment leur expérience avec un système a évolué à travers le temps. Chaque courbe représente une dimension particulière de la relation utilisateur-produit (utilisabilité, attractivité…). La méthode UX curve, développée par Kujala et al. (2011), est basée sur des templates de courbes en format papier. En session individuelle, on demande à un participant de dessiner des courbes représentant son expérience avec plusieurs dimensions du produit. Les dimensions évaluées sont l’expérience globale, l’attractivité, l’utilisabilité, l’utilité et le volume d’usage. Pendant qu’il trace les courbes, le participant explique à voix haute les raisons des changements dessinés et annote ses graphiques.

Templates UX Curve en français (traduction C. Lallemand)

Guidelines for using the UX Curve method (anglais)

Référence : Kujala, S., Roto, V., Väänänen-Vainio-Mattila, K., Karapanos, E., Sinnelä, A. (2011). UX Curve: A method for evaluating long-term user experience. Interacting with Computers, 23, pp. 473-483.

Heuristiques UX de Colombo & Pasch – Evaluation experte basée sur la théorie du flow

UX Mind votre toolkit en FR.006Les 10 heuristiques de Colombo & Pasch (2012) sont dérivées de la théorie du flow, appliquée aux Interactions Homme-Machine. La théorie du flow est une théorie psychologique développée par Mihaly Csikszentmihaly, qui ne concerne pas initialement le domaine des IHM. Le flow est décrit comme une expérience optimale. Selon les auteurs, cette liste d’heuristiques UX peut être utilisée pour la conception ou l’évaluation de systèmes interactifs. Colombo et Pasch revendiquent une approche discount de l’évaluation de l’UX, avec une liste « conçue comme un moyen économe en ressources pour garantir la bonne UX d’un produit quand le temps et l’argent sont rares ».

Lien : https://uxmind.eu/2014/08/14/10-heuristiques-pour-une-ux-optimale-de-colombo-et-pasch/

 

UX Cards – une approche psychologique du design UX

carte relationnel appartenanceLes UX Cards ont pour but de soutenir la conception et l’évaluation de l’expérience utilisateur dans les systèmes interactifs. Cet outil est basé sur une approche psychologique de l’expérience.

L’épanouissement des besoins psychologiques fondamentaux est considéré ici comme l’un des principaux moteur d’expériences positives avec les technologies. Cela signifie en fait que pour concevoir des produits “expérientiels”, les concepteurs doivent considérer les systèmes interactifs comme des moyens d’épanouir des besoins psychologiques et non uniquement comme des moyens de réaliser des buts orientés tâche.

Le set est pour le moment composé de 10 cartes :

  • Les cartes besoins décrivent les 7 principaux besoins humains (transposables au domaine technologique). Au recto, chaque carte présente deux visuels opposés positifs vs. négatifs. Au verso, chaque carte fournit une définition du besoin, les concepts associés, ainsi que des exemples de sentiments ou d’activités liées à ce besoin.
  • Les cartes instructions présentent des exemples de techniques d’idéation pouvant faciliter la génération d’idées avec les UX Cards. N’hésitez pas à être créatifs dans l’utilisation des cartes, qui peuvent être combinées à de nombreuses techniques de créativité ou d’autres méthodes comme le design studio.

“Les besoins psychologiques sont des qualités particulières de l’expérience dont chaque individu a besoin pour s’épanouir” Sheldon et al. 2010

Comment utiliser les UX Cards ?

Les UX cards sont un outil pragmatique qui accompagne professionnels et chercheurs dans la conception et l’évaluation de l’UX. Elles décrivent sept catégories d’expériences que les professionnels de l’UX tenteront de concevoir, principalement lors de séances d’idéation. Elles servent également à la formation des futurs professionnels du domaine. Elles existent en français et en anglais.

Pour la conception : En conception, les UX Cards peuvent être utilisées pour générer des idées de conception et donner au produit une personnalité particulière. Lors d’un brainstorming, avec ou sans utilisateurs, elles constituent des sources d’inspiration. Deux cartes d’instructions présentent des techniques de génération d’idées avec les cartes.

Pour l’évaluation : En évaluation, les UX Cards sont utilisées comme support d’une évaluation de la capacité d’un système interactif à créer une UX positive, par l’épanouissement d’un ou plusieurs besoins fondamentaux. L’évaluation peut être menée par des experts avec ou sans utilisateurs.

Pour la formation : Les UX Cards peuvent être utilisées pour la formation des futurs professionnels de l’UX. Elles permettent de faire découvrir l’approche par les besoins et de développer chez les étudiants une certaine sensibilité pour les théories liées à l’expérience utilisateur.

Prochaines étapes

Les UX Cards sont en constante évolution et plusieurs extensions sont prévues à l’avenir, notamment au niveau :

  • des techniques d’idéation accompagnant les cartes besoins
  • de templates de travail soutenant la démarche d’utilisation des cartes
  • de cartes additionnelles couvrant d’autres théories psychologiques en lien avec l’UX design
  • d’instructions spécifiques soutenant l’évaluation à l’aide des cartes

Des outils complémentaires sont également en cours de développement pour créer un toolkit complet autour de la théorie des besoins UX.

Vous pouvez d’ailleurs contribuer aux travaux de recherche sur les UX cards, en recueillant des observations lors de leur utilisation.

Téléchargez gratuitement les UX Cards !

Je vous conseille d’imprimer les cartes au format A6, sur du papier cartonné épais (les plastifier leur donne un effet encore plus sympa). Cet outil est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution-Pas d‘Utilisation Commerciale-Pas de Modification 4.0 International.

Summerschool archi 01/09/2016
Concevoir pour l’expérience utilisateur avec les UX cards

Outil – Questionnaire UX AttrakDiff version française

Voici le document de présentation de la version française de l’AttrakDiff, incluant les items pour la passation et les instructions pour le scoring. Vous trouverez plus d’informations dans l’article consacré au questionnaire dans la section Méthodes UX : https://uxmind.eu/2014/06/23/attrakdiff-evaluation-quantitative-ux/

Le document est également téléchargeable au format pdf.

En panne d’inspiration ? Suivez les stratégies obliques

En panne d’inspiration ? Confrontés à une difficulté ou un blocage sur un projet ? Utilisez les stratégies obliques pour vous aider à penser différemment ! Développées dans les années 1970, les cartes “stratégies obliques” (oblique strategies en anglais) sont intemporelles. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une méthode UX à proprement parler, leur caractère énigmatique et ouvert à l’interprétation leur permet d’être utilisés dans toutes les situations, et notamment les situations de création.

Naissance des cartes stratégies obliques : une rencontre entre deux artistes

C’est à Brian Eno et Peter Schmidt que l’on doit en 1975 la création de ce jeu de cartes, qui comprenait à l’origine “113 dilemmes qui en valent la peine”, leur nombre ayant été étendu ensuite dans quatre éditions ultérieures (respectivement en 1978, 1979, 1996 et 2001). Basées sur le principe de “pensée latérale“, les cartes favorisent l’innovation en approchant un problème sous plusieurs angles et en faisant sortir le designer de son schéma de pensée habituel.

oblique strategies instructionLes cartes sont nées d’une rencontre entre deux artistes, le premier musicien, le second peintre. Tous deux avaient l’habitude de prendre des notes sur leurs processus créatifs et de s’interroger sur des manières de contourner les blocages auxquels on peut faire face dans un processus de création.

L’auteur Brian Eno raconte que sa première stratégie oblique était “Reconnais tes erreurs comme des intentions cachées“. Or, l’un des conseil très similaire utilisé par son ami Peter Schmidt était : “Etait-ce vraiment une erreur ?“. C’est la mise en commun de leurs notes qui a donné naissance aux cartes stratégies obliques.

Comment utiliser les stratégies obliques ?

Le principe est si simple qu’il peut paraître déroutant : il suffit de suivre les conseils dictés par les cartes. Il s’agit parfois d’une action à réaliser, d’une citation énigmatique, d’un principe créatif. Parfois la carte paraît simple à comprendre, parfois elle est presque mystique. A ceux qui cherchent des règles claires et précises, présentées de manière rationnelle, passez votre chemin ! Ici il faut se prêter au jeu et laisser son esprit vagabonder sur les dilemmes qui nous sont présentés. Utiliser ces cartes, c’est une expérience en soi !

Selon les auteurs, il est possible d’utiliser les cartes de deux manières :

  • de manière aléatoire, une carte à la fois : choisir une carte au hasard et suivre le conseil dicté, même si celui-ci peut paraître vague ou sans lien avec l’action en cours
  • comme un paquet, un ensemble de possibilités : feuilleter et lire l’ensemble des cartes pour trouver des idées d’inspiration. Ici les cartes sont un ensemble de possibilités qui est passé en revue.
Voici quelques exemples de cartes pour vous donner un aperçu de leur contenu (mais il y en a de bien plus étranges !) :

Donne libre cours à ton impulsion la plus mauvaise

C’est tout à fait possible (après tout)

Enlève les éléments par ordre d’inimportance apparente

Que ferait ton meilleur ami ?

Où trouver les cartes ?

Les cartes “stratégies obliques” ont été développées en anglais, et de nombreuses applications mobiles ou sites web vous permettent de piocher une carte au hasard. Une traduction française circule également sur le net, sans que son auteur soit clairement identifié.

Pour les utiliser en français, vous pouvez par exemple télécharger la liste des stratégies obliques en français (format pdf) ou tirer des cartes au sort sur le site de David Rolo (http://www.davidrolo.com/strategies-obliques/)

Et si vous aimez le côté “bel objet”, il est encore possible d’acheter la 5e édition des cartes sous forme de coffret sur le site de Brian Eno (ci-dessous).

Ressources

Sentence Completion : une méthode UX vraiment ______ !

La complétion de phrase ou sentence completion est une méthode qualitative d’évaluation de l’UX et/ou d’exploration des besoins et valeurs des utilisateurs. Après avoir utilisé un système ou un produit, on donne au participant des débuts de phrases, qu’il doit compléter. Ces débuts de phrases doivent aider l’utilisateur à penser aux aspects expérientiels liés à l’usage du système. On lui proposera des phrases telles que : “Quand j’utilise ce produit, je me sens _________” ou encore “L’apparence du produit est _________“. La méthode combine donc questionnaire et technique projective.

Cette méthode produit des données qualitatives semi-structurées sur le point de vue des utilisateurs et leur ressenti. Les résultats sont moins fastidieux à analyser que ceux obtenus à partir d’entretiens. Ils sont évidemment plus longs à analyser que les résultats d’un questionnaire UX tel que l’AttrakDiff, mais ils permettent d’obtenir une information plus détaillée, notamment sur les émotions négatives. La complétion de phrase n’est pas un instrument de mesure strict mais plutôt une technique pragmatique pour récoler du feedback utilisateur durant le développement d’un produit.

Développement de la méthode

La méthode de la complétion de phrases a été développée par Sari Kujala et son équipe des Universités de Aalto et de Tampere en Finlande. Elle permet de dépasser les limites de certaines méthodes d’évaluation de l’UX ou de les compléter.

Une évaluation indirecte (projective) de l’UX qui dépasse les biais du questionnement direct : L’évaluation de l’UX est un challenge car les utilisateurs ont du mal à exprimer leur expérience quand on leur demande de le faire. Ainsi, le biais de désirabilité sociale, qui veut que chacun souhaite montrer une image positive de soi, peut fausser les réponses à un entretien. Le questionnement direct apporte souvent des informations générales sur les attitudes ou réactions des utilisateurs mais ne parvient pas toujours à détecter les raisons profondes de ces attitudes. Les méthodes projectives comme la complétion de phrases sont une manière indirecte d’évaluation de l’état émotionnel et du fonctionnement mental d’un sujet. Dans les méthodes projectives (voir aussi la méthode UX AXE), un stimulus au sens généralement ambigu est proposé au participant. Le stimulus ayant peu de sens en lui-même, on fait l’hypothèse que les participants l’interprètent selon leur propre vécu / ressenti / point de vue.

Une évaluation qualitative et ouverte qui dépasse la rigidité des évaluations quantitatives : Les questionnaires d’évaluation de l’UX tels que l’AttrakDiff ont pour inconvénient de proposer aux utilisateurs une évaluation basée sur des propriétés (items) prédéfinies. Or, comme l’UX est subjective et complexe, il est difficile de déterminer si les utilisateurs trouvent les items de l’AttrakDiff essentiels et significatifs pour refléter leur propre expérience. De même, les résultats quantitatifs ne permettent pas de connaître les raisons d’une expérience évaluée comme positive ou négative : ils ne renseignent donc pas les concepteurs sur la manière d’améliorer le système. Pour palier à ces manques, des méthodes d’évaluation plus qualitatives et plus ouvertes comme la complétion de phrases sont parfois nécessaires.

Format

Cette méthode se présente sous forme de phrases à compléter par les participants. On donne au participant des débuts de phrase tels que “La chose la plus importante pour moi est __________” et on lui demande de les compléter spontanément.

Il n’y a pas de nombre prédéfini de phrases et c’est donc à chacun de décider du nombre de phrases qu’il souhaite inclure dans son étude. Ce choix va se faire en fonction du nombre de dimensions à explorer, du temps et des ressources disponibles ainsi que des autres méthodes qui seront déployées dans une même session. A titre indicatif, les concepteurs ont utilisé de 12 à 24 phrases dans les cas d’études qu’ils ont réalisé lors de la création de cette technique.

De même, le contenu des phrases est également libre et adaptable. Il est possible d’utiliser (donc de traduire) les phrases des concepteurs pour servir de base à l’étude. On peut également créer ses propres phrases en faisant toutefois attention à la qualité de leur formulation. Globalement, il faut éviter les débuts de phrases en un seul mot ou au contraire trop longs car ces derniers ne stimulent pas assez les réponses des participants. On peut proposer des phrases très génériques sur l’expérience du produit (“quand j’utilise ce produit, je me sens ______”) ou être plus précis en ajoutant un mot clé relatif si on veut investiguer une dimension particulière (“L’apparence du produit est _______”). Il est nécessaire de développer de nouvelles phrases de manière itérative, en les prétestant sur un petit échantillon avant de les utiliser pour une étude réelle.

Exemple de phrases à compléter – Etude sur un smartphone (phrases extraites et traduites sur base de Kujala et al., 2013)

  1. Utiliser mon smartphone est __________
  2. Les fonctionnalités de mon smartphone sont __________
  3. Mon smartphone est le meilleur pour ___________
  4. Mon smartphone n’est pas adapté pour ___________
  5. Je pense que l’apparence de mon smartphone est __________
  6. Mon smartphone a l’air __________
  7. Quand j’utilise mon smartphone, je me sens ___________
  8. Je suis content de mon smartphone parce que ___________
  9. Le problème avec mon smartphone c’est __________
  10. C’est irritant que mon smartphone ___________
  11. Si d’autres personnes ont fait attention à mon smartphone, elles __________
  12. Le propriétaire d’un smartphone est généralement __________
  13. Dans ma culture, mon smartphone __________
  14. Par rapport aux autres smartphones, mon smartphone est __________

Passation

On demande aux utilisateurs de répondre rapidement et sans réfléchir de trop, en précisant qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. On précise également qu’il n’y a pas de catégories de réponses attendues, l’utilisateur est libre de compléter chaque phrase comme il le souhaite.

Exemple de consigne : Merci de compléter les phrases ci-dessous afin qu’elles décrivent votre expérience avec le produit A. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, essayez plutôt de répondre spontanément et sans trop réfléchir. Vous pouvez laisser des phrases sans réponse si vous avez l’impression qu’elles ne correspondent pas bien à votre situation. 

Il est possible de faire des passations directes ou à distance, online. On peut utiliser la méthode en complément d’autres évaluations de l’UX, notamment pendant un test utilisateur ou en complément du questionnaire AttrakDiff. Niveau temporalité, la méthode peut être utilisée à tous les stades de la conception. Elle peut servir pour évaluer des concepts, des prototypes ou des produits finis. Utilisée sur des concepts, elle peut alors évaluer l’UX anticipée. Sur des prototypes ou produits plus aboutis, elle va généralement évaluer l’UX épisodique ou cumulative (voir à ce sujet l’article sur la temporalité de l’UX).

Enfin, les concepteurs de cette méthode ont montré que la qualité et la richesse des réponses produites sont variables. Ainsi, quand les utilisateurs décrivent un produit qu’il ont possédé ou utilisé pendant une longue période, ils vont produire des réponses plus riches que celles produites après un court test d’utilisabilité. De même, les réponses sont plus détaillées lorsque les phrases à compléter sont dans la langue natale des participants.

Analyse des résultats

Les concepteurs n’ont pas développé de cadre d’analyse ou de catégorisation car la technique de sentence completion n’a pas été développée pour être un outil de diagnostic quantitatif. Les résultats (sous forme de phrases complétées) peuvent : (1) être utilisés directement comme source d’information ou d’inspiration ou (2) être catégorisés en fonction de leur fréquence afin de donner des données quantitatives.

Le plus facile est de grouper les données par dimension étudiée et par valence (c’est à dire négatif vs. positif). Vous pouvez ensuite regrouper ensemble les réponses similaires et nommer chaque catégorie par la réponse la plus fréquente qu’elle contient. Il est possible de représenter les mots sur un diagramme pour distinguer visuellement les idées négatives et positives.

Avantages

  • Les participants peuvent s’exprimer librement. Les données récoltées sont donc plus fiables que pour les questionnaires UX traditionnels (qui ne proposent pas toujours les options de réponse appropriées pour chaque participant)
  • Méthode facile à appliquer et plutôt fun pour les participants et les experts qui l’administrent
  • Les données sont recueillies sous forme écrite (en direct ou en ligne)
  • Peut être utilisée pour évaluer les motivations ou les attitudes
  • Moins de biais culturels que les questionnaires standardisés (qui ont par définition des items prédéfinis)
  • Comparé à l’AttrakDiff, cette technique permet un meilleur recueil du feedback négatif des utilisateurs, nécessaire à l’amélioration du produit

Limites

  • Analyse de données qualitatives qui prend du temps car il faut catégoriser et synthétiser les résultats
  • Les phrases initiales sont longues à créer. Ensuite on peut réutiliser ou adapter les phrases à d’autres contextes ou produits
  • Il faut créer de nouvelles phrases ou les réadapter en fonction du type de produit, du contexte ou du type de facteurs que l’on étudie
  • Comme les utilisateurs analysent leur UX en se basant sur leurs souvenirs d’expériences momentanées, il se peut qu’ils ne se souviennent pas des détails : la technique de la complétion de phrases ne se prête pas bien aux analyses détaillées

Conseils pratiques

  • Insister sur la spontanéité dans la réponse des utilisateurs
  • Pour créer de nouvelles phrases, veiller à la formulation et prétester les phrases sur des échantillons tests
  • Utiliser plusieurs phrases pour évaluer un même concept ou aspect de l’expérience, car cela renforce la validité des réponses
  • Faire les passations dans la langue natale des utilisateurs, car il a été montré que les réponses sont ainsi plus claires et plus détaillées
  • Si vous souhaitez évaluer l’image du produit, demandez aux participants de décrire les caractéristiques de l’utilisateur typique

Sources

 

Allez, un petit test de cette technique 🙂 Complétez ces trois phrases dans les commentaires de l’article : 

  1. “Le blog UX Mind est ___________”
  2. “Je suis content du blog UX Mind parce que __________”
  3. “Le problème avec le blog UX Mind c’est __________”

AXE : une méthode d’évaluation UX au stade conceptuel

AXE (Anticipated eXperience Evaluation) est une méthode qualitative qui donne un point de vue initial sur l’UX d’un produit ou service. Cette méthode permet une évaluation très tôt dans le cycle de conception, dès le stade conceptuel. Dans une situation d’entretien avec un utilisateur, on va utiliser des stimuli visuels pour permettre aux utilisateurs d’imaginer une situation d’usage. Leurs réponses vont révéler leurs pratiques, attitudes et valeurs. On étudie avec AXE l’UX anticipée.

AXE est à la fois une méthode d’évaluation et une méthode de collecte de suggestions d’amélioration. Les résultats mettent en relation les attributs perçus du produit avec différentes dimensions de l’UX.

Elle a été développée par Lutz Gegner et Mikael Runonen de l’université de Aalto (Finlande).

Développement de la méthode : modèle théorique et motivations

La méthode AXE est basée sur le même modèle théorique que le questionnaire AttrakDiff, dont elle s’inspire grandement (Hassenzahl, 2003). Elle évalue donc les qualités pragmatiques et hédoniques des systèmes interactifs.

Plusieurs constats ont motivé la création de cette méthode :

  • Malgré une abondance de méthodes pour étudier l’UX des produits, rares sont celles qui s’intéressent à une évaluation de l’UX dès la phase conceptuelle
  • La plupart des évaluations de concepts sont faites par des experts
  • Il y a un manque de méthodes d’évaluation UX impliquant des utilisateurs et qui soient applicables de manière universelle
  • Transférer des données utilisateurs en recommandations de conception est un challenge

AXE s’inspire également des méthodes projectives (l’une des plus connue en psychologie étant le test du Rorschach – celui avec les tâches d’encres !) en utilisant des stimuli ambigus pour aider les participants à exprimer leurs attitudes, opinions et croyances envers un concept de produit. Les tests projectifs suggèrent qu’un individu structure une situation ambiguë en mettant en valeur ses propres besoins conscients et inconscients.

« Décrire des expériences avec des mots est une tâche difficile en soi, et demander à un utilisateur d’imaginer une expérience fictive la rend encore plus difficile. » (Gegner & Runonen)

Format

AXE se présente sous la forme de 12 paires d’images (+ 2 paires d’images vierge pouvant être utilisées pour couvrir des dimensions non prises en compte par le modèle théorique de AXE). Ces images ont été choisies comme étant des représentations visuelles de certains items du questionnaire AttrakDiff, qui sont des paires de mots contrastés (ex. simple vs. compliqué) (voir l’article Méthode consacrée à l’AttrakDiff). De la même manière, les images de AXE sont ainsi présentées deux par deux, et représentent visuellement des notions opposées.

AXE methode_paires images
Paires d’images et échelles présentées aux participants (1- clair vs confus / 2-peu exigeant vs challenging)

Une ligne relie les deux images et on demande à l’utilisateur de faire une croix sur ce continuum, à l’endroit correspondant à son ressenti par rapport au concept de produit présenté. Cette ligne représente en fait une échelle de mesure, mais n’est pas graduée afin de laisser le participant s’exprimer librement et ne pas brider son imaginaire.

Passation

L’approche AXE peut être divisée en 3 étapes principales : le briefing sur le concept, l’évaluation du concept et l’analyse des données.

méthode AXE

Avant l’évaluation, l’équipe de conception doit définir des objectifs de conception, auxquels les résultats seront comparés. La mise en place de ces objectifs donne à l’équipe une compréhension partagée des buts durant la conception et la capacité d’évaluer si les perceptions des utilisateurs sont conformes aux objectifs.

Concept Briefing

Au début de la session, le concept est présenté aux participants (toujours de la même manière pour garantir des résultats comparables). La description du concept est lue à voix haute par l’expérimentateur et une copie papier est fournie au participant. Des scénarios d’usage (sous forme de narrations) sont présentés de la même manière. Afin de rendre la narration plus engagée et personnelle, on utilise les pronoms « tu » ou « vous », ce qui évite aux participants de spéculer sur les expériences de personnages fictifs à la place des leurs. Si les narrations sont accompagnées de matériel autre que du texte (ex. illustrations ou prototypes basse fidélité), on distribue ce matériel au participant pour qu’il puisse le consulter tout au long de la session.


AXE methode_evaluation formatEvaluation du Concept

L’élément principal de la méthode AXE est un formulaire de réponse comprenant des paires d’images et des échelles. Le but du formulaire est de donner à chaque entretien une structure similaire, et aussi d’aider les participants à évoquer des aspects expérientiels qu’ils perçoivent. Le formulaire est composé de 3 parties : les consignes pour guider le participant, un exercice d’entraînement facile pour vérifier qu’il a bien compris la procédure et le mettre à l’aise, et enfin les 12 paires d’images à évaluer. Les paires d’images ont été sélectionnées selon une méthode, brièvement décrite dans l’article original.

Durant la session d’évaluation, on demande aux participants laquelle des images de chaque paire il associe le plus fortement au concept du produit. Les choix réalisés servent de base pour débuter une conversation sur le concept « pourquoi associez-vous plutôt le concept avec l’image A qu’avec l’image B ? ». L’idée est de découvrir quelle paire de mots le participant utilise implicitement pour prendre sa décision. L’expérimentateur continue de creuser au fur et à mesure les choix du participant. Si le participant dit qu’il associe plus fortement le concept à l’image A mais qu’il préfèrerait l’image B, alors on peut demander les raisons de cette préférence et acquérir ainsi une meilleure compréhension des attentes du participant envers le concept. On peut également sonder quels changements dans le concept seraient appréciés et recueillir des suggestions d’amélioration.

Analyse des données

Après l’entretien, les données sont retranscrites et analysées. La transcription doit être faite mot à mot pour préserver le plus d’information possible. Ensuite, le texte doit être partitionné en petits segments plus faciles gérables, chaque morceau contenant une seule observation / idée.

Exemple : « Cette image me rappelle le calme. Je ne pense pas que ce concept est très calme. S’il n’y avait pas ces couleurs flashy ou s’il n’y avait pas d’animations, il serait plus calme. »

Partition :

  1. cette image me rappelle le calme
  2. je ne pense pas que ce concept est très calme
  3. s’il n’y avait pas ces couleurs flashy, ce serait plus calme
  4. s’il n’y avait pas d’animations, ce serait plus calme

Catégorisation : chaque segment extrait est codé dans une catégorie selon l’information qu’il contient. Les catégories sont :

  1. les caractéristiques perçues du produit : caractéristiques générales, contenu, fonctionnalités, interactions, présentation
  2. les attributs associés : attributs pragmatiques (utilité, utilisabilité), stimulation, identification, évocation
  3. les conséquences anticipées : attractivité perçue, changement comportemental
  4. les informations pour améliorer le concept : suggestions, les choses non désirables, les informations méta (qui ne sont pas directement liées au concept mais peuvent aider à comprendre l’utilisateur)

Après le codage des résultats, les segments sont triés afin que l’équipe de conception puisse identifier rapidement les forces et faiblesses du concept global et de ses caractéristiques précises.

Avantages et limites

  • permet d’évaluer la nature abstraite des concepts
  • échelle non verbale, basée sur une méthode projective (stimuli visuels) pour stimuler l’expression libre des participants
  • ne convient pas facilement à des études longitudinales
  • coûteux en temps

Conseils pratiques

  • Prévoir de distribuer aux participants les documents (description du concept, scénarios, consignes)
  • Durant l’entretien, ne pas utiliser d’adjectifs qui n’ont pas été utilisés par le participant afin de ne pas biaiser les réponses
  • Vous pouvez ajouter 2 paires d’images si vous avez besoin d’évaluer des dimensions supplémentaires (ex. confiance, sécurité, etc).

Sources

Tout le matériel nécessaire pour utiliser la méthode AXE est disponible gratuitement en ligne (comprend un manuel + le guide d’entretien avec les photographies) : http://www.axe-hub.com/

Gegner, L. and Runonen, M. For What it is Worth: Anticipated eXperience Evaluation. 8th International Conference on Design and Emotion, Central Saint Martins University of the Arts London with the Design and Emotion Society (2012).

Hassenzahl, M. The thing and I: understanding the relationship between user and product. In M.A. Blythe, K. Overbeeke, A.F. Monk and P.C. Wright, eds., Funology: from usability to enjoyment. Kluwer Academic Publishers, 2003, 31–42.!

http://www.allaboutux.org/axe-anticipated-experience-evaluation

http://fr.slideshare.net/ajovalasit/anticipated-experiences-early-product-concept-evaluation-lutz-gegner-at-hcdi-presentationjune-2013#

Journaux de bord UX : une méthode d’évaluation longitudinale

J’insiste souvent dans mes présentations sur la dynamique temporelle de l’UX, qui est trop souvent négligée. Or, prendre en compte cette temporalité de l’UX nécessite des méthodes d’évaluation et de conception adaptées. Les journaux de bord UX permettent cette évaluation de l’UX à travers le temps.

Certaines parts de ce post sont traduites de mon article “Dear Diary: Using Diaries to Study User Experience“, que vous trouverez dans la section Ressources.

Les méthodes d’évaluation longitudinales

Les méthodes d’évaluation dites longitudinales permettent d’évaluer l’UX à travers le temps, de la manière la plus riche possible. Elles consistent en une évaluation répétée de l’UX auprès même groupe d’utilisateurs sur une longue période de temps. Elles permettent ainsi d’évaluer les changements de l’UX à travers le temps. Selon la méthode utilisée, elles permettent de recueillir des données qualitatives et/ou quantitatives. Elles ont pour avantage de donner des résultats très riches et précis. La contrepartie est que les méthodes longitudinales demandent un important investissement de temps et de ressources, c’est pourquoi on leur préfère souvent des méthodes moins contraignantes (telles que les méthodes retrospectives). De même, il faut veiller à garder la motivation des participants élevée durant la période de l’étude.

Les journaux de bord UX

Tenir un journal n’est pas qu’un passe-temps d’adolescents essayant de donner un sens à la vie et à l’amour. Dans le domaine des Interactions Homme-Machine (IHM), les journaux de bord sont une méthode qualitative de collecte de données sur ce que les utilisateurs ont fait ou ont ressenti. Tout comme un journal de voyage contient des descriptions des expériences du voyageur, un journal UX va recueillir des descriptions des expériences d’un utilisateur avec un produit ou un système.

Sur quoi un journal de bord UX peut-il nous renseigner ? Selon le type de journal de bord que vous concevez, vous pourrez recueillir de l’information sur l’impression globale d’un système, la fréquence d’usage de fonctionnalités, l’acceptation technologique, les émotions associées à la réalisation d’une tâche, ou encore la facilité d’apprentissage d’une application. Bien sûr, vous pourriez aussi recueillir ce type d’information avec un questionnaire, un entretien ou un test utilisateurs. Mais seules les méthodes longitudinales vous donneront accès à une information temporelle collectée dans un contexte d’interaction naturel.

Avantages

Etudier la dynamique temporelle de l’UX : avec un journal de bord vous pouvez collecter des données sur les différentes périodes de l’UX. Ainsi, la première saisie du journal peut-être remplie avant l’usage pour évaluer “l’UX anticipée” (celle que l’on imagine). Puis, l’utilisateur va remplir chaque jour le journal, donnant ainsi des informations sur “l’UX momentanée” (celle que l’on vit). A la fin de la période d’étude, la dernière évaluation permet d’évaluer “l’UX épisodique” (celle dont on se souvient), voire “l’UX cumulée” (dont on se souvient après de multiples périodes d’usage).

mobile UX contexte
Evaluation en contexte naturel

Collecter des évènements et expériences en contexte naturel : le contexte d’usage est l’un des facteurs impactant l’UX d’un système ou d’un produit. Ainsi, lors d’un test utilisateur ou d’un entretien, la présence de l’expérimentateur peut biaiser les résultats. Qui n’a jamais vu un utilisateur évaluer un produit comme très positif alors qu’il a échoué à réaliser la plupart des scénarios de test ? En tant que professionnels, nous voulons capturer l’UX “réelle” et non celle qui est influencée par un environnement contrôlé. La diffusion des technologies mobiles accentue encore ce phénomène. C’est là l’un des avantages des journaux de bord car ils se focalisent sur la description d’évènements et expériences dans leur contexte naturel.

Déterminer les antécédents, corrélats et conséquences des expériences quotidiennes : comme nous l’avons déjà souligné, il y a plusieurs périodes d’UX, qui s’influencent mutuellement. Ainsi, l’UX momentanée va être influencée par l’UX anticipée (qui crée des attentes à satisfaire). Puis, l’UX momentanée va être “déformée” par le filtre des processus cognitifs (notamment la mémoire) pour devenir l’UX épisodique et cumulative. Les attentes de l’utilisateur, son humeur ou encore le contexte d’usage sont autant de dimensions qui peuvent influencer l’UX au quotidien. Un journal de bord capture ces influences, en éclairant sur la façon dont l’UX s’est formée et à évoluer à un moment donné. Il vous permettra ainsi de détecter si la mauvaise humeur de l’utilisateur ou la critique de la marque à la télé ont impacté son évaluation de l’interface. Vous pourrez également découvrir que le jeu que vous évaluez produit des émotions bien plus positives lorsque l’utilisateur interagit avec des amis, alors même que cette fonction avait été négligée dans la conception.

Limites

Rien n’est parfait ! Comme pour toute méthode, vous devrez considérer les avantages et inconvénients des journaux de bord UX avant de vous lancer dans une telle étude. Les principaux inconvénients de cette méthode sont le temps et le coût liés :

  • au recrutement des participants : la qualité des résultats dépend beaucoup des participants, puisque le journal de bord est limité à la capacité d’expression des utilisateurs. C’est particulièrement vrai dans les études comprenant de nombreuses questions ouvertes. Vous devrez atteindre un niveau d’engagement élevé de vos participants pour obtenir des données suffisantes et fiables.
  • aux sessions de briefing : une étude par journal de bord nécessite souvent des séances de briefing détaillé pour s’assurer que les participants comprennent bien ce qui doit être rapporté, comment et quand.
  • à l’analyse des données : analyser des données longitudinales prend du temps, et encore plus dans le cas d’un journal de bord en version papier.

Concevoir un journal de bord UX


Choisir un protocole et un rythme d’évaluation
: Il existe 3 types de protocoles pour un journal de bord, basés sur la façon dont on sollicite l’utilisateur.

  • par intervalle : les utilisateurs doivent évaluer leur expérience à des intervalles réguliers et prédéterminés (par exemple toutes les 2h ou tous les 2 jours). Cette option est répandue mais les utilisateurs peuvent oublier de compléter le journal, ce qui crée des données manquantes.
  • par signal : on utilise ici un appareil qui signale aux utilisateurs à quel moment il doivent évaluer leur UX en complétant une entrée de journal. Ici, pas de souci d’oubli, mais un coté intrusif de la méthode dans le quotidien.
  • par évènement : les participants doivent évaluer leur UX à chaque fois qu’un évènement particulier survient. Ce protocole est particulièrement utile si vous êtes intéressé par l’analyse d’une expérience induite par certains évènements, tels qu’une erreur système ou une notification.

Le rythme des évaluations doit être déterminé en fonction des besoins de votre recherche. Ne soyez pas trop exigeant sinon votre journal UX deviendra un fardeau pour vos utilisateurs : 2 ou 3 entrées par jour au maximum sur une durée généralement de 2 semaines (si le journal est à remplir chaque jour, ou plus si les entrées sont plus espacées).

Impliquer vos participants : L’un des principaux défis d’une étude par journal de bord est le maintien de l’engagement des participants à un niveau élevé pour garantir la complétion du journal. Vous devez vous assurer que les participants comprennent le type de description et le niveau de détail requis. Au cours de l’étude, vous pouvez rappeler aux participants l’importance de compléter le journal. Une récompense en cash ou un cadeau (ex : possibilité de garder le produit évalué) peuvent être utiles. Attention cependant à ne pas baser la récompense sur la quantité de données recueillies au risque d’être submergé de données non pertinentes !

paper-vs-ipad
Version papier ou électronique ?

Version papier ou version électronique ? Parce que les études UX sont souvent liés à l’utilisation de systèmes interactifs, le choix d’un journal électronique est souvent judicieux. Il simplifie l’analyse des données et permet de combiner des entrées de journal et des logs (ex. date, heure, tâche en cours). Les journaux électroniques permettent aussi plus de créativité : imaginez une étude par messagerie vocale, textos, vidéos ou photos ! Toutefois, essayez d’adapter la méthode aux utilisateurs cibles. Si vous menez une étude avec des personnes âgées, une version papier sera sûrement plus appropriée pour mettre vos participants à l’aise.

Structure du journal : les journaux peuvent avoir un format ouvert (les utilisateurs rapportent leurs expériences avec leurs propres mots) ou au contraire très structuré (avec des questions fermées ou à choix multiples). Pour faire votre choix : avez-vous besoin d’informations précises ou souhaitez-vous encourager une réflexion libre ? On adopte souvent une approche mixte pour combiner données qualitatives et quantitatives. N’oubliez pas d’insérer dans votre journal des consignes claires et de souligner l’importance de rapporter les évènements aussitôt qu’ils surviennent.

data-analysis-340x260
Collecter et analyser les données

Collecter et analyser les données : une fois votre journal conçu, n’oubliez pas de le pré-tester pour être sûr de sa qualité avant de lancer votre étude ! Comme l’engagement des gens diminue rapidement, les participants gardent le journal 2 semaines maximum. Si le journal est électronique, vous pouvez surveiller sa complétion au fur et à mesure. N’hésitez pas à communiquer avec les participants au cours de l’étude pour s’assurer que tout va bien.

A la fin de l’étude, réalisez des entretiens de debriefing avec les participants. C’est l’occasion de leur demander d’expliquer certaines de leurs évaluations. Une bonne compréhension des réponses qualitatives est nécessaire pour interpréter correctement les données. L’analyse des données dépend de la façon dont le journal est structuré. Les données quantitatives peuvent être analysées en utilisant un logiciel d’analyse statistique. Traiter les données qualitatives est plus difficile, mais cela en vaut la peine car cela vous fournira des informations précieuses sur l’expérience subjective !