Votre toolkit UX en français

Ce toolkit est focalisé sur les méthodes et outils académiques qui peuvent s’avérer utiles en pratique, et qui existent en français (ou que j’ai traduit avec l’accord des auteurs). J’ai évoqué la plupart de ces méthodes lors de mes conférences ou dans le livre Méthodes de design UX, où elles sont décrites bien plus en détail avec une approche pédagogique vous permettant de les appliquer correctement. Les outils francophones sont rares mais je mettrai l’article à jour dès que j’en déniche ou en traduit (et valide) un autre !

Si vous utilisez l’un des outils présenté dans ce toolkit, n’hésitez pas à m’envoyer votre feedback sur son usage en pratique : dans quel contexte vous l’avez utilisé, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui est facile ou non, comment vous l’avez adapté à vos besoins, si cela vous a apporté des résultats exploitables, quels livrables vous en avez tiré, … Il est réellement temps de construire plus de liens entre recherche et pratique et nous avons besoin mutuellement les uns des autres pour relever les challenges de l’UX design !


Outils d’idéation et de conception UX

UX Cards – Conception pour l’expérience utilisateur

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Les UX Cards (Lallemand, 2015) sont basées sur une approche psychologique de l’expérience utilisateur. L’épanouissement des besoins psychologiques fondamentaux est considéré comme l’un des principaux moteurs d’expériences positives avec les technologies. Pour concevoir des systèmes ayant une UX positive, les concepteurs doivent les considérer comme des moyens d’épanouir des besoins psychologiques, et pas uniquement des moyens de réaliser des tâches. Les 7 principaux besoins psychologiques transposables aux produits et services sont décrits sous forme de cartes pouvant soutenir la conception et l’évaluation. Le set est composé de sept cartes besoins et deux cartes d’instructions. Les UX Cards existent en anglais et en français.

Référence : Lallemand, C. (2015). Towards Consolidated Methods for the Design and Evaluation of User Experience. (Doctoral dissertation). University of Luxembourg.

Lien : https://uxmind.eu/portfolio/ux-design-and-evaluation-cards/

Téléchargement (version FR) : https://carinelallemand.files.wordpress.com/2015/12/ux-cards_lallemand_fr_v1.pdf

PLEX Cards – Conception d’expérience ludiques

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Les PLEX Cards (Lucero & Arrasvuori, 2010) sont focalisées sur la conception d’expériences ludiques. Elles sont basées sur le cadre conceptuel PLEX (playful experiences) décrivant 22 catégories d’expériences ludiques. Deux techniques d’idéation sont proposées pour accompagner les PLEX Cards : PLEX Brainstorming (pour des idées nombreuses, rapidement) et PLEX Scenarios (pour des idées plus élaborées). Existent en français, anglais, espagnol ou allemand.

Référence : Lucero, A., & Arrasvuori. J. (2010). PLEX Cards: a source of inspiration when designing for playfulness. Proc. Fun and Games 2010. New York, USA: ACM, 28-37.

Lien : http://www.funkydesignspaces.com/plex/

Téléchargement : http://www.funkydesignspaces.com/plex/PLEX_Cards_French.pdf

Critères de persuasion technologique – Concevoir des interfaces persuasives

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Cette grille permet d’analyser les aspects persuasifs des interfaces technologiques selon 2 dimensions (aspects statiques vs. aspects dynamiques) et 12 critères principaux. Elle peut être utilisée pour réaliser une évaluation experte de la dimension persuasive des interfaces ou servir de guide pour orienter les choix de conception. Pour chaque critère, une définition, une justification ainsi que des exemples sont fournis.

Référence : Nemery, A. Elaboration, validation et application de la grille de critères de persuasion interactive. Psychologie. Université de Metz, 2012.

Lien : http://wp.me/a2i3pb-hJ

 


 

Outils d’évaluation UX

AttrakDiff – Questionnaire d’évaluation UX

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Le questionnaire AttrakDiff (Hassenzahl, Burmester & Koller, 2003) est l’un des outils d’évaluation de l’expérience utilisateur les plus utilisés au niveau académique. Initialement développé en allemand, il a récemment été traduit et validé en français (Lallemand et al., 2015). L’AttrakDiff repose sur le modèle théorique proposé par Hassenzahl pour expliquer la qualité perçue d’un système interactif. Il comprend 28 items répartis en 4 sous-échelles (qualité pragmatique, qualité hédonique-stimulation, qualité hédonique-identité, attractivité globale).

Référence FR : Lallemand, C., Koenig, V., Gronier, G., & Martin, R. (2015). Création et validation d’une version française du questionnaire AttrakDiff pour l’évaluation de l’expérience utilisateur des systèmes interactifs. Revue européenne de psychologie appliquée.

Lien : https://uxmind.eu/2015/09/30/outil-attrakdiff-version-francaise/

Bientôt : les versions françaises du User Experience Questionnaire et du questionnaire meCUE !

Complétion de phrases – Evaluation qualitative et projective de l’UX

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La complétion de phrases est une méthode qualitative d’évaluation de l’UX et/ou d’exploration des besoins et valeurs des utilisateurs. Les débuts de phrases sont des amorces qui doivent aider l’utilisateur à penser aux aspects expérientiels de l’interaction et à exprimer son ressenti de manière semi-structurée. Les résultats sont moins fastidieux à analyser que ceux obtenus à partir d’entretiens. Ils sont évidemment plus longs à analyser que les résultats d’un questionnaire, mais ils fournissent une information plus détaillée, notamment sur les émotions négatives.

Débuts de phrase et instructions disponibles prochainement !

 

Test des 5 secondes – Evaluation de la première impression

UX Mind votre toolkit en FR.001Le test des 5 secondes, que l’on retrouve aussi quelquefois sous les appellations Quick-Expo- sure Memory Test ou Rapid Desirability Testing, est une méthode qui recueille la première impression que les utilisateurs se forment spontanément d’un système. Le test consiste à présenter une interface statique à l’utilisateur, pendant exactement cinq secondes, puis à recueillir sa première impression à l’aide d’un court questionnaire.

Test des 5 secondes (instructions + questions) : https://carinelallemand.files.wordpress.com/2016/06/le-test-des-5-secondes.pdf

 

UX Curve – Evaluation rétrospective de l’UX en situation d’entretien

UX Mind votre toolkit en FR.003Après une période d’usage étendu, les courbes d’évaluation UX permettent d’analyser rétrospectivement les évolutions temporelles et fluctuations de l’expérience des utilisateurs en une seule session. Dans les méthodes d’évaluation par courbes, les participants dessinent plusieurs courbes pour décrire comment leur expérience avec un système a évolué à travers le temps. Chaque courbe représente une dimension particulière de la relation utilisateur-produit (utilisabilité, attractivité…). La méthode UX curve, développée par Kujala et al. (2011), est basée sur des templates de courbes en format papier. En session individuelle, on demande à un participant de dessiner des courbes représentant son expérience avec plusieurs dimensions du produit. Les dimensions évaluées sont l’expérience globale, l’attractivité, l’utilisabilité, l’utilité et le volume d’usage. Pendant qu’il trace les courbes, le participant explique à voix haute les raisons des changements dessinés et annote ses graphiques.

Templates UX Curve en français (traduction C. Lallemand)

Guidelines for using the UX Curve method (anglais)

Référence : Kujala, S., Roto, V., Väänänen-Vainio-Mattila, K., Karapanos, E., Sinnelä, A. (2011). UX Curve: A method for evaluating long-term user experience. Interacting with Computers, 23, pp. 473-483.

Heuristiques UX de Colombo & Pasch – Evaluation experte basée sur la théorie du flow

UX Mind votre toolkit en FR.006Les 10 heuristiques de Colombo & Pasch (2012) sont dérivées de la théorie du flow, appliquée aux Interactions Homme-Machine. La théorie du flow est une théorie psychologique développée par Mihaly Csikszentmihaly, qui ne concerne pas initialement le domaine des IHM. Le flow est décrit comme une expérience optimale. Selon les auteurs, cette liste d’heuristiques UX peut être utilisée pour la conception ou l’évaluation de systèmes interactifs. Colombo et Pasch revendiquent une approche discount de l’évaluation de l’UX, avec une liste « conçue comme un moyen économe en ressources pour garantir la bonne UX d’un produit quand le temps et l’argent sont rares ».

Lien : https://uxmind.eu/2014/08/14/10-heuristiques-pour-une-ux-optimale-de-colombo-et-pasch/

 

Journaux de bord UX : une méthode d’évaluation longitudinale

J’insiste souvent dans mes présentations sur la dynamique temporelle de l’UX, qui est trop souvent négligée. Or, prendre en compte cette temporalité de l’UX nécessite des méthodes d’évaluation et de conception adaptées. Les journaux de bord UX permettent cette évaluation de l’UX à travers le temps.

Certaines parts de ce post sont traduites de mon article “Dear Diary: Using Diaries to Study User Experience“, que vous trouverez dans la section Ressources.

Les méthodes d’évaluation longitudinales

Les méthodes d’évaluation dites longitudinales permettent d’évaluer l’UX à travers le temps, de la manière la plus riche possible. Elles consistent en une évaluation répétée de l’UX auprès même groupe d’utilisateurs sur une longue période de temps. Elles permettent ainsi d’évaluer les changements de l’UX à travers le temps. Selon la méthode utilisée, elles permettent de recueillir des données qualitatives et/ou quantitatives. Elles ont pour avantage de donner des résultats très riches et précis. La contrepartie est que les méthodes longitudinales demandent un important investissement de temps et de ressources, c’est pourquoi on leur préfère souvent des méthodes moins contraignantes (telles que les méthodes retrospectives). De même, il faut veiller à garder la motivation des participants élevée durant la période de l’étude.

Les journaux de bord UX

Tenir un journal n’est pas qu’un passe-temps d’adolescents essayant de donner un sens à la vie et à l’amour. Dans le domaine des Interactions Homme-Machine (IHM), les journaux de bord sont une méthode qualitative de collecte de données sur ce que les utilisateurs ont fait ou ont ressenti. Tout comme un journal de voyage contient des descriptions des expériences du voyageur, un journal UX va recueillir des descriptions des expériences d’un utilisateur avec un produit ou un système.

Sur quoi un journal de bord UX peut-il nous renseigner ? Selon le type de journal de bord que vous concevez, vous pourrez recueillir de l’information sur l’impression globale d’un système, la fréquence d’usage de fonctionnalités, l’acceptation technologique, les émotions associées à la réalisation d’une tâche, ou encore la facilité d’apprentissage d’une application. Bien sûr, vous pourriez aussi recueillir ce type d’information avec un questionnaire, un entretien ou un test utilisateurs. Mais seules les méthodes longitudinales vous donneront accès à une information temporelle collectée dans un contexte d’interaction naturel.

Avantages

Etudier la dynamique temporelle de l’UX : avec un journal de bord vous pouvez collecter des données sur les différentes périodes de l’UX. Ainsi, la première saisie du journal peut-être remplie avant l’usage pour évaluer “l’UX anticipée” (celle que l’on imagine). Puis, l’utilisateur va remplir chaque jour le journal, donnant ainsi des informations sur “l’UX momentanée” (celle que l’on vit). A la fin de la période d’étude, la dernière évaluation permet d’évaluer “l’UX épisodique” (celle dont on se souvient), voire “l’UX cumulée” (dont on se souvient après de multiples périodes d’usage).

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Evaluation en contexte naturel

Collecter des évènements et expériences en contexte naturel : le contexte d’usage est l’un des facteurs impactant l’UX d’un système ou d’un produit. Ainsi, lors d’un test utilisateur ou d’un entretien, la présence de l’expérimentateur peut biaiser les résultats. Qui n’a jamais vu un utilisateur évaluer un produit comme très positif alors qu’il a échoué à réaliser la plupart des scénarios de test ? En tant que professionnels, nous voulons capturer l’UX “réelle” et non celle qui est influencée par un environnement contrôlé. La diffusion des technologies mobiles accentue encore ce phénomène. C’est là l’un des avantages des journaux de bord car ils se focalisent sur la description d’évènements et expériences dans leur contexte naturel.

Déterminer les antécédents, corrélats et conséquences des expériences quotidiennes : comme nous l’avons déjà souligné, il y a plusieurs périodes d’UX, qui s’influencent mutuellement. Ainsi, l’UX momentanée va être influencée par l’UX anticipée (qui crée des attentes à satisfaire). Puis, l’UX momentanée va être “déformée” par le filtre des processus cognitifs (notamment la mémoire) pour devenir l’UX épisodique et cumulative. Les attentes de l’utilisateur, son humeur ou encore le contexte d’usage sont autant de dimensions qui peuvent influencer l’UX au quotidien. Un journal de bord capture ces influences, en éclairant sur la façon dont l’UX s’est formée et à évoluer à un moment donné. Il vous permettra ainsi de détecter si la mauvaise humeur de l’utilisateur ou la critique de la marque à la télé ont impacté son évaluation de l’interface. Vous pourrez également découvrir que le jeu que vous évaluez produit des émotions bien plus positives lorsque l’utilisateur interagit avec des amis, alors même que cette fonction avait été négligée dans la conception.

Limites

Rien n’est parfait ! Comme pour toute méthode, vous devrez considérer les avantages et inconvénients des journaux de bord UX avant de vous lancer dans une telle étude. Les principaux inconvénients de cette méthode sont le temps et le coût liés :

  • au recrutement des participants : la qualité des résultats dépend beaucoup des participants, puisque le journal de bord est limité à la capacité d’expression des utilisateurs. C’est particulièrement vrai dans les études comprenant de nombreuses questions ouvertes. Vous devrez atteindre un niveau d’engagement élevé de vos participants pour obtenir des données suffisantes et fiables.
  • aux sessions de briefing : une étude par journal de bord nécessite souvent des séances de briefing détaillé pour s’assurer que les participants comprennent bien ce qui doit être rapporté, comment et quand.
  • à l’analyse des données : analyser des données longitudinales prend du temps, et encore plus dans le cas d’un journal de bord en version papier.

Concevoir un journal de bord UX


Choisir un protocole et un rythme d’évaluation
: Il existe 3 types de protocoles pour un journal de bord, basés sur la façon dont on sollicite l’utilisateur.

  • par intervalle : les utilisateurs doivent évaluer leur expérience à des intervalles réguliers et prédéterminés (par exemple toutes les 2h ou tous les 2 jours). Cette option est répandue mais les utilisateurs peuvent oublier de compléter le journal, ce qui crée des données manquantes.
  • par signal : on utilise ici un appareil qui signale aux utilisateurs à quel moment il doivent évaluer leur UX en complétant une entrée de journal. Ici, pas de souci d’oubli, mais un coté intrusif de la méthode dans le quotidien.
  • par évènement : les participants doivent évaluer leur UX à chaque fois qu’un évènement particulier survient. Ce protocole est particulièrement utile si vous êtes intéressé par l’analyse d’une expérience induite par certains évènements, tels qu’une erreur système ou une notification.

Le rythme des évaluations doit être déterminé en fonction des besoins de votre recherche. Ne soyez pas trop exigeant sinon votre journal UX deviendra un fardeau pour vos utilisateurs : 2 ou 3 entrées par jour au maximum sur une durée généralement de 2 semaines (si le journal est à remplir chaque jour, ou plus si les entrées sont plus espacées).

Impliquer vos participants : L’un des principaux défis d’une étude par journal de bord est le maintien de l’engagement des participants à un niveau élevé pour garantir la complétion du journal. Vous devez vous assurer que les participants comprennent le type de description et le niveau de détail requis. Au cours de l’étude, vous pouvez rappeler aux participants l’importance de compléter le journal. Une récompense en cash ou un cadeau (ex : possibilité de garder le produit évalué) peuvent être utiles. Attention cependant à ne pas baser la récompense sur la quantité de données recueillies au risque d’être submergé de données non pertinentes !

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Version papier ou électronique ?

Version papier ou version électronique ? Parce que les études UX sont souvent liés à l’utilisation de systèmes interactifs, le choix d’un journal électronique est souvent judicieux. Il simplifie l’analyse des données et permet de combiner des entrées de journal et des logs (ex. date, heure, tâche en cours). Les journaux électroniques permettent aussi plus de créativité : imaginez une étude par messagerie vocale, textos, vidéos ou photos ! Toutefois, essayez d’adapter la méthode aux utilisateurs cibles. Si vous menez une étude avec des personnes âgées, une version papier sera sûrement plus appropriée pour mettre vos participants à l’aise.

Structure du journal : les journaux peuvent avoir un format ouvert (les utilisateurs rapportent leurs expériences avec leurs propres mots) ou au contraire très structuré (avec des questions fermées ou à choix multiples). Pour faire votre choix : avez-vous besoin d’informations précises ou souhaitez-vous encourager une réflexion libre ? On adopte souvent une approche mixte pour combiner données qualitatives et quantitatives. N’oubliez pas d’insérer dans votre journal des consignes claires et de souligner l’importance de rapporter les évènements aussitôt qu’ils surviennent.

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Collecter et analyser les données

Collecter et analyser les données : une fois votre journal conçu, n’oubliez pas de le pré-tester pour être sûr de sa qualité avant de lancer votre étude ! Comme l’engagement des gens diminue rapidement, les participants gardent le journal 2 semaines maximum. Si le journal est électronique, vous pouvez surveiller sa complétion au fur et à mesure. N’hésitez pas à communiquer avec les participants au cours de l’étude pour s’assurer que tout va bien.

A la fin de l’étude, réalisez des entretiens de debriefing avec les participants. C’est l’occasion de leur demander d’expliquer certaines de leurs évaluations. Une bonne compréhension des réponses qualitatives est nécessaire pour interpréter correctement les données. L’analyse des données dépend de la façon dont le journal est structuré. Les données quantitatives peuvent être analysées en utilisant un logiciel d’analyse statistique. Traiter les données qualitatives est plus difficile, mais cela en vaut la peine car cela vous fournira des informations précieuses sur l’expérience subjective !