Outil – Questionnaire UX AttrakDiff version française

Voici le document de présentation de la version française de l’AttrakDiff, incluant les items pour la passation et les instructions pour le scoring. Vous trouverez plus d’informations dans l’article consacré au questionnaire dans la section Méthodes UX : https://uxmind.eu/2014/06/23/attrakdiff-evaluation-quantitative-ux/

Le document est également téléchargeable au format pdf.

L’automatisation nuit-elle à l’UX ?

Machines à cafés ou lave-vaisselles ultra sophistiqués, voitures qui se garent (et bientôt conduisent) toutes seules, le progrès technologique rend l’automatisation omniprésente dans nos vies quotidiennes. Cependant, qu’en est-il de l’expérience utilisateur ? L’automatisation nuit-elle à l’UX ? C’est ce qu’ont tenté de démontrer Marc Hassenzahl et Holger Klapperich de l’Université de Folwang (Allemagne) en réalisant une étude sur l’expérience de faire du café. Leur but avoué ? Nous sensibiliser aux coûts expérientiels de l’automatisation et nous proposer des alternatives au « tout automatique ». J’ai assisté à la présentation de cette étude l’an passé lors de la conférence NordiCHI’2014 en Finlande et les débats ont été passionnants. Voici donc un résumé de l’étude et de ses principaux résultats.

Dans leur article intitulé « Convenient, Clean, and Efficient? The Experiential Costs of Everyday Automation » (Pratique, propre et efficace ? Les coûts expérientiels de l’automatisation quotidienne), les auteurs présentent les résultats d’une expérimentation comparant l’expérience de faire du café avec une machine automatique de type Senseo, à celle de faire du café avec une cafetière italienne. La comparaison semble simpliste et binaire : automatique vs. manuel. Mais la discussion des résultats est justement orientée vers la nuance.

La majorité des activités humaines étant « médiées » par la technologie, le propos ici n’est pas de remettre en question l’automatisation, mais plutôt d’explorer différents degrés d’automatisation et leur impact sur l’UX. Si on adopte une perspective de design, il est indispensable de comprendre l’impact d’une configuration technologique particulière sur l’expérience d’une activité. La question de recherche est la suivante : l’automatisation impacte-elle l’expérience utilisateur ? Si oui, de quelle manière ? En comprenant comment l’automatisation impacte l’expérience, nous serons alors en mesure de mieux concevoir l’automatisation dans la vie quotidienne, afin de créer de meilleures expériences.

L’expérimentation : Senseo vs. cafetière italienne

Les auteurs ont choisi l’exemple de la machine à café pour tester sur hypothèse sur l’automatisation car elle illustre bien l’automatisation dans la vie de tous les jours, et représente une activité routinière, mais ancienne et ancrée dans de nombreuses cultures. On trouve également une grande variété à la fois dans les pratiques et dans les technologies existantes.

coffee experiencePour les besoins de l’expérience, vingt participants (entre 20 et 47 ans) ont été invités à faire du café, de deux manières différentes : en utilisant une machine automatique de type Senseo, ou de façon « manuelle » en utilisant une cafetière italienne. Pour ceux d’entre vous qui n’ont jamais utilisé de cafetière italienne, voici une vidéo qui vous montre à quoi ressemble la manoeuvre : https://www.youtube.com/watch?v=UD4b4FXPWIIL’expérience a été menée dans une vraie cuisine afin de recréer un contexte d’utilisation réaliste. L’ordre des conditions a été contre balancé, de manière à ce que la moitié des participants utilisent d’abord la cafetière Senseo puis la cafetière italienne, l’autre moitié utilisant d’abord la cafetière italienne puis la Senseo. 

  • Pour la Senseo, les participants devaient : remplir le réservoir d’eau, insérer une dosette, appuyer sur le bouton On, placer la tasse dans la machine, faire du café, éteindre la cafetière, jeter la dosette usagée, et nettoyer si nécessaire.
  • Pour la cafetière italienne, les participants devaient : mettre des grains de café dans un moulin à café manuel, moudre les grains, mettre la poudre obtenue dans le filtre de la cafetière, ajouter de l’eau, assembler la cafetière, allumer la gazinière, faire du café, éteindre la gazinière, jeter le café usagé et nettoyer si nécessaire.

Après chaque préparation, les participants été invités à remplir deux questionnaires et répondre à un court entretien sur les moments les plus positifs et négatifs du processus de préparation. Les questionnaires étaient centrés sur les affects (PANAS scale) et l’épanouissement des besoins UX (les mêmes que ceux de mes UX cards : https://uxmind.eu/portfolio/ux-design-and-evaluation-cards/).

Les résultats

Les moments positifs : Globalement, les moments positifs étaient plus diversifiés et plus orientés sur le process dans la condition manuelle. Alors que les participants de la condition automatique étaient focalisés sur le café en lui-même (donc le résultat), les participants utilisant la cafetière italienne ont appréciés certaines parties du process (moudre les grains par exemple), grâce à la stimulation des sens (l’odeur du café et le toucher). Ils se sont également sentis plus en contrôle du process et plus compétents, avec un rôle plus actif. La cafetière italienne requérant plus d’étapes et de savoir-faire, faire du café a été vécu par certains comme un petit succès. A l’inverse, dans la condition automatique, les participants n’ont que très peu évoqués le process et uniquement de manière détachée, comme quelque chose de « propre, pratique et efficace ».

Les moments négatifs : les moments négatifs diffèrent également entre les deux conditions. Mise à part des problèmes d’utilisabilité mineurs, peu de moments négatifs ont été reportés avec la Senseo. Cependant, cela n’implique pas que l’expérience ait été perçue comme positive. En fait, de nombreux participants se sont plaints de l’attente, chose qu’ils n’ont pas mentionné pour la cafetière italienne, malgré une durée 3x plus longue du process. Bien que plus rapide, l’automatisation transforme donc un process court en période négative d’attente. La Senseo vous décharge d’une activité, mais elle nécessite tout de même une interaction. Du coup, les personnes deviennent beaucoup plus sensibles à l’attente et à la progression du processus en lui-même. De plus, les interactions sont plus détachées et perçues comme inesthétiques. Evidemment, des moments négatifs ont aussi été reportés pour la condition manuelle : certaines parts du process sont perçues comme désagréables, comme moudre manuellement les grains ou jeter la poudre à café mouillée. Ce sont d’ailleurs deux bons exemples des challenges posés par une conception expérientielle de l’automatisation : la dosette de café est une solution au problème de la manipulation, mais avec un coût expérientiel puisqu’elle ôte aux utilisateurs une source de stimulation (l’odeur et le toucher de la poudre de café moulue). Idem pour le fait de moudre, qui constitue un effort physique, mais qui a été rapporté par de nombreux participants comme un moment positif du process.

Le challenge de design ici est d’explorer des moyens de concevoir ces interactions de manière à ce que les moments négatifs soient réduits tandis que les moments positifs soient accentués. Notons aussi que la condition manuelle montre aussi le côté sombre de l’expérience de compétence. En effet, il est possible de rater et de faire du mauvais café ! Les concepteurs de ce type de technologies évitent donc de confronter les utilisateurs avec des activités qui demandent des efforts. Mais l’étude de Hassenzahl et Klapperich montre l’échec a souvent été bien accepté, et vu comme un pas vers l’apprentissage d’une compétence nouvelle.

Des recommandations pour une conception plus expérientielle

L’automatisation est pratique et efficace, elle permet d’économiser du temps qui sera utilisé pour d’autres activités. Malheureusement, elle ôte à l’activité son potentiel expérientiel.  Faire du café manuellement ou à l’aide d’une cafetière automatique modifie considérablement l’expérience utilisateur. L’automatisation focalise les gens sur le résultat, et non sur le process, qui perd son sens et devient une période d’attente précédent la consommation. Ce n’est pas nécessairement négatif, mais cela transforme une activité potentiellement intense au niveau expérientiel, en une activité « plate », sans intérêt. Voilà les coûts de l’automatisation du quotidien : l’appauvrissement de l’UX. Au-delà de l’exemple du café, l’idée est la même pour de nombreuses technologies quotidiennes et les voitures automatiques de Google ne manqueront pas d’appauvrir l’agréable expérience de la conduite automobile ! Conséquence de cet appauvrissement de l’UX : la perception de l’objet change pour ne devenir qu’un outil utile.

Selon les auteurs, le bien-être est une conséquence d’un engagement conscience dans la vie quotidienne. Plutôt que d’automatiser toutes les activités quotidiennes pour avoir plus de temps libre, ils préconisent plutôt de rendre les activités quotidiennes plus expérientielles, plus riches. Pour cela, il est nécessaire de bien comprendre les principes du design d’expérience, notamment des concepts d’épanouissement des besoins.

Concrètement, il ne s’agit pas uniquement de supprimer les moments négatifs en les confiant à la machine, car parfois cela supprimera également une source potentiel de plaisir. Il s’agit ici d’analyser en profondeur les moments positifs, négatifs mais aussi leurs interrelations. Les ergonomes retrouveront ici peut être avec joie la notion d’analyse de l’activité ! Le but n’est donc pas de supprimer l’automatisation, mais de nuancer le degré d’automatisation pour redonner sens et qualité UX à une activité tout en conservant l’efficacité et la praticité. Vous connaissiez les 50 nuances de Grey ? Appliquez dès à présent les 50 nuances UX de l’automatisation !

Et pour conclure, voici l’exemple du « Coffee Shaker » proposé par l’équipe de l’Université de Folkwang (Severin Luy) comme une alternative plus UX à la machine à café ! http://vimeo.com/39050532. Des idées pour rendre mon lave-vaisselle plus expérientiel ?

Références

Hassenzahl, M. and Klapperich, H. (2014). Convenient, Clean, and Efficient? The Experiential Costs of Everyday Automation. Proceedings of the NordiCHI 2014 conference, ACM Press.

Le modèle de l’UX d’Hassenzahl

Le modèle de l’expérience utilisateur proposé par Marc Hassenzahl (Folkwang University of Arts, Essen, Allemagne) est un classique de la recherche en UX. Ce modèle définit les éléments clés de l’UX ainsi que leurs relations. Développé au début des années 2000, ce modèle a été affiné et présenté en 2003 sous forme d’un chapitre de livre intitulé « The Thing and I: Understanding the Relationship Between User and Product« .

Description générale du modèle

Le modèle d’Hassenzahl présente l’UX selon deux perspectives complémentaires : la perspective du concepteur (designer perspective) et la perspective de l’utilisateur (user perspective).

modèle UX Hassenzahl

Un produit / système a certaines caractéristiques (contenu, présentation, fonctionnalités, modalités d’interaction) qui sont choisies et combinées par le concepteur pour donner au produit un caractère particulier visé (intended product character). Ce caractère du produit résume les différents attributs du produit (par exemple, être nouveau, intéressant, utile, prévisible). Mais ce caractère est subjectif et il traduit seulement une intention du concepteur. Il n’y a aucune garantie que l’utilisateur perçoive et apprécie le produit de la manière souhaitée par le concepteur ! C’est pourquoi un processus de conception rigoureux doit être appliqué, pour s’assurer que les caractéristiques choisies pour le produit vont bien communiquer le caractère souhaité.

Quand les utilisateurs entrent en contact avec le produit, ils vont en percevoir les caractéristiques. Sur base de ces dernières, chaque utilisateur va alors se construire une vision personnelle du produit, qu’on appelle le caractère apparent du produit (apparent product character). Ce caractère apparent du produit est en fait une reconstruction par l’utilisateur du caractère particulier visé par le concepteur. Il est construit sur une combinaison entre les caractéristiques du produit et les attentes ou standards de chaque utilisateur. Il y a donc des variations entre les utilisateurs, mais aussi pour un même utilisateur à travers le temps ! Ainsi, un produit qui paraissait nouveau et stimulant au début de son usage peut perdre avec le temps son caractère nouveau et sa capacité à stimuler l’utilisateur. Il consiste en un groupe d’attributs pragmatiques et hédoniques.

Le caractère apparent du produit, et son adaptation à la situation, va mener à des conséquences de trois types :

  • un jugement sur l’attrait du produit (product’s appeal)
  • des conséquences émotionnelles (comme par exemple le plaisir ou la satisfaction)
  • des conséquences comportementales (ex : augmentation de l’usage du produit)

A noter que les conséquences liées à un certain caractère de produit ne sont pas toujours les mêmes, puisqu’elles sont modérées par la situation d’usage. Dans certaines situations par exemple la nouveauté sera un caractère valorisé par l’utilisateur, mais perçu comme non désirable dans d’autres contextes.

Le caractère du produit : les attributs hédoniques et pragmatiques

Selon ce modèle, les utilisateurs perçoivent les produits interactifs selon deux dimensions : les qualités pragmatiques et les qualités hédoniques.

Les attributs pragmatiques : manipulation

La manipulation de l’environnement requiert des fonctionnalités pertinentes (utilité) et des moyens faciles d’accéder à ces fonctionnalités (utilisabilité). Un produit perçu comme ayant de bonnes qualités pragmatiques sera décrit comme structuré, clair, contrôlable, efficace, pratique, etc. Un produit pragmatique est principalement instrumental, c’est à dire qu’il soutient l’accomplissement de buts ou tâches à réaliser (appelés « do-goals »). Le focus ici est sur le produit (utilité, utilisabilité, réalisation des tâches).

Les attributs hédoniques : stimulation, identification et évocation

Contrairement aux attributs pragmatiques qui sont tournés vers la réalisation de tâches, les attributs hédoniques (ce qui signifie littéralement « liés au plaisir ») mettent l’accent sur le bien-être psychologique des individus. Ici, c’est plutôt la capacité du produit à procurer un certain plaisir qui est mise en avant. Un produit perçu comme ayant de bonnes qualités hédoniques sera décrit comme original, créatif, captivant (versant hédonique – stimulation) ou encore présentable, professionnel, de bon goût, qui me rapproche des autres (versant hédonique – identification). Ici, le focus est sur le soi (pourquoi on possède et on utilise un produit particulier).

Les attributs hédoniques sont divisés en 3 catégories : la stimulation, l’identification et l’évocation.

  • Stimulation : les individus cherchent continuellement à développer leurs compétences ou connaissances. Pour soutenir cela, les produits doivent être stimulants. Ils doivent fournir de nouvelles opportunités et de nouveaux potentiels.
  • Identification : les individus expriment leur identité à travers les objets qu’ils possèdent. Cette expression du soi a une fonction entièrement sociale puisque les gens veulent être perçus d’une certaine manière par les autres. Pour soutenir ce besoin, un produit doit communiquer une certaine identité.
  • Evocation : les produits peuvent provoquer des souvenirs. Dans ce cas, ils représentent des évènements passés, des relations ou des pensées qui sont important pour l’individu.

Comme expliqué précédemment, ces deux dimensions (pragmatique et hédonique) vont influencer la perception subjective de l’attractivité du produit ou système, qui va donner naissance à des comportements (par exemple une utilisation accrue) et émotions (ex : joie, frustration).

Pour mesurer les attributs pragmatiques et hédoniques perçus des produits, Hassenzahl et son équipe ont développé le questionnaire AttrakDiff (décrit en détail dans la section Méthodes UX), dont la version française (Lallemand, Koenig, & Gronier) sera bientôt disponible sur le blog.

Les quatre grands caractères de produits

Les utilisateurs peuvent percevoir les attributs hédoniques et pragmatiques comme étant respectivement faibles ou forts. On peut ainsi décrire 4 grands caractères de produit, issus des combinaisons possibles entre attributs pragmatiques et hédoniques.

caractères de produits Hassenzahl

La combinaison entre des attributs pragmatiques faibles et attributs hédoniques faibles est tout simplement non désirée (unwanted). Ce caractère de produit implique que le produit n’est capable de satisfaire ni les besoins pragmatiques des utilisateurs, ni leurs besoins hédoniques.

A l’inverse, une combinaison entre des attributs pragmatiques forts et des attributs hédoniques forts désigne le produit désiré (desired), le but ultime d’une bonne conception.

Mais le plus souvent, les deux groupes d’attributs ne seront pas équilibrés. Hassenzahl va ainsi désigner un produit principalement pragmatique un ACT product (pragmatique fort et hédonique faible) et un produit principalement hédonique un SELF product (pragmatique faible et hédonique fort).

Un produit ACT est inévitablement lié aux objectifs / tâches de l’utilisateur. Ces objectifs varient, ils peuvent être prescrits par des personnes externes ou générés par l’individu lui-même. Leur importance sera perçue comme variable par l’utilisateur et l’attrait d’un produit ACT dépendra fortement du statut de l’objectif à atteindre. Par le soutien apporté à l’atteinte des objectifs, un produit ACT va produire de la satisfaction.

A l’inverse, un produit SELF est lié à l’utilisateur lui-même, son identité, ses idéaux, ses souvenirs, ses relations. L’appréciation des produits SELF est beaucoup plus stable que l’appréciation des produits ACT, car la probabilité qu’un individu change sa perception des prérequis pour qu’un produit satisfasse son « self » est bien plus basse que la probabilité que ses objectifs / tâches changent. De plus, le lien entre un utilisateur et un produit SELF est généralement bien plus fort que le lien qui unit un utilisateur à un produit ACT. Cela souligne l’importance des qualités hédoniques des produits puisque c’est par ces qualités que l’appréciation du produit peut être forte et stable. Par le soutien apporté à l’épanouissement des besoins psychologiques, un produit SELF va produire du plaisir.

La situation d’usage : les modes d’usage

Pour comprendre les jugements sur l’attrait du produit et les réactions émotionnelles, un autre facteur est important : la situation d’usage. En effet, le caractère perçu du produit doit correspondre aux attentes de l’utilisateur. Pour simplifier la prise en compte de la situation d’usage, Hassenzahl propose de se focaliser sur l’état mental de l’utilisateur avec la notion de modes d’usage.

Deux modes d’usage sont définis : le « goal-mode » et le « action-mode ».

Goal-mode

Ici c’est l’atteinte d’un objectif qui prime. L’objectif à atteindre a une certaine importance et détermine les actions réalisées par l’utilisateur. Le produit est donc vu ici comme un « moyen d’atteindre un but« . Les utilisateurs tentent d’être efficaces et efficients. Ils se décrivent comme « sérieux » et « organisés ».

Action-mode

Ici c’est l’action qui prime. Les objectifs sont plus volatiles et sont plutôt créés au fur et à mesure de l’exploration. L’utilisation du produit peut être une fin en soi. L’efficacité et l’efficience ne jouent pas un rôle important. Les utilisateurs se décrivent comme « enjoués » et « spontanés ».

 

Le mode d’usage est crée par la situation elle-même. SI votre chef vous demande de réaliser une tâche importante dans un délai de 2h, alors vous serez probablement en « goal-mode ». A l’inverse, si vous n’avez pas grand chose à faire et que vous explorez le nouveau logiciel que l’on vient de vous installer, alors vous serez probablement en « action-mode ». Chaque produit ou système peut donc être expérimenté selon l’un ou l’autre de ces modes d’usage, en fonction de la situation. La perception du caractère du produit comme étant principalement pragmatique ou hédonique n’est pas influencée par le mode d’usage. En revanche, le jugement sur l’attrait du produit et les réponses émotionnelles dépendent du fait que le produit corresponde au mode d’usage. Dans le modèle d’Hassenzahl, le mode d’usage apparaît donc comme un modérateur entre le caractère du produit et les conséquences associées.

References

  • Hassenzahl, M. (2003). The thing and I: Understanding the relationship between user and product. In M. A. Blyth, A. F. Monk, K. Overbeeke, & P. C. Wright (Eds.), Funology: From usability to enjoyment, 1-12 (chap. 3). Kluwer Academic Publishers. Download

AttrakDiff : une évaluation quantitative de l’UX

Le questionnaire AttrakDiff, élaboré par Hassenzahl et ses collègues en 2003, est un outil de référence pour les chercheurs en UX. Il permet d’évaluer les qualités hédoniques et pragmatiques des systèmes interactifs. Jusqu’en 2014, il n’avait jamais été traduit et validé en version française. Afin de pouvoir étudier l’UX sur des échantillons francophones dans le cadre de ma thèse, j’ai traduit et validé ce questionnaire en suivant une méthodologie scientifique (ce qui permet de garantir les qualités psychométriques de l’outil traduit).

Le modèle théorique d’Hassenzahl

AttrakDiff est basé sur un modèle théorique développé par le chercheur Marc Hassenzahl et son équipe. Selon ce modèle, les utilisateurs perçoivent les produits interactifs selon deux dimensions :

  • les qualités pragmatiques : capacité à soutenir l’accomplissement de « do-goals » (tâches). Focus sur le produit (utilité, utilisabilité, réalisation des tâches). Un produit perçu comme ayant de bonnes qualités pragmatiques sera structuré, clair, contrôlable, efficace, pratique, etc.
  • les qualités hédoniques : capacité à soutenir l’accomplissement de « be-goals ». Focus sur le soi (pourquoi on possède et on utilise un produit particulier). Un produit perçu comme ayant de bonnes qualités hédoniques sera original, créatif, captivant (versant hédonique – stimulation) ou encore présentable, professionnel, de bon goût, qui me rapproche des autres (versant hédonique – identification).

Ces deux dimensions (pragmatique et hédonique) vont influencer la perception subjective de l’attractivité du produit ou système, qui va donner naissance à des comportements (par exemple une utilisation accrue) et émotions (ex : joie, frustration).

Modèle théorique d’Hassenzahl (User Interface Design GmbH, http://attrakdiff.de/)

L’AttrakDiff, un outil de mesure quantitative de l’expérience utilisateur

L’AttrakDiff est un questionnaire standardisé comprenant 4 sous-échelles de 7 items chacune, soit 28 items au total. Il est exploité par la société allemande User Interface Design GmbH, qui propose la passation en ligne gratuitement (en allemand et en anglais) sur son site http://attrakdiff.de/

Les sous-échelles de l’AttrakDiff sont les suivantes :

  • Echelle de qualité pragmatique (QP) : décrit l’utilisabilité du produit et indique à quel point le produit permet aux utilisateurs d’atteindre leur(s) but(s)
  • Echelle de qualité hédonique – stimulation (QH-S) : indique dans quelle mesure le produit peut soutenir le besoin de stimulation
  • Echelle de qualité hédonique – identification (QH-I) : indique dans quelle mesure le produit permet à l’utilisateur de s’identifier à lui
  • Echelle d’attractivité globale (ATT) : décrit la valeur globale du produit basée sur la perception des qualités pragmatiques et hédoniques

Format : Les items se présentent sous la forme de différenciateurs sémantiques (paires de mots contrastés) à évaluer par des échelles de Likert en 7 points. L’ordre de passation des items est standardisé. Ceux-ci sont mélangés et les 7 items d’une même sous-échelle ne sont jamais passés à la suite.

Passation et scoring

Passation : L’AttrakDiff est un outil auto-administré. Les utilisateurs peuvent y répondre aussi bien en présentiel (après un test utilisateur par exemple) qu’en ligne. La passation dure généralement entre 5 et 10 minutes maximum. Pour les plus pressés, une version raccourcie existe en 10 items seulement.

Types d’évaluation : L’AttrakDiff soutient 3 types d’évaluation

  • Evaluation unique : adaptée pour une évaluation unique ou temporaire d’un produit ou système
  • Comparaison avant-après : ce type d’évaluation permet de tester le produit 2x : avant et après l’implémentation de changements. Vous aurez ainsi un résumé détaillé des effets des changements.
  • Comparaison Produit A – Produit B : ce type d’évaluation implique deux produits qui sont évalués et comparés. Vous serez en mesure de voir comment les utilisateurs perçoivent les différents produits.

Scoring : Le scoring de l’AttrakDiff est relativement facile.

  • Tout d’abord, il faut inverser certains items, c’est à dire transformer le score obtenu par son opposé (+3 depuis -3, +2 devient -2, etc). Cette étape est nécessaire car, pour éviter la tendance à l’acquiescement lors de la passation, les items n’ont pas la même valence (parfois le mot à gauche est négatif et parfois il est positif). Avant de calculer un score, il faut donc s’assurer que les items sont bien scorés dans le même sens, c’est à dire que les termes négatifs soient à gauche et les termes positifs à droite.

scoring AttrakDiff

  • Il s’agit ensuite de calculer les moyennes et écart-types pour chaque échelle, ainsi que les intervalles de confiance (le calcul de l’intervalle de confiance est détaillé dans les slides de l’atelier Evaluation UX)

Présentation des résultats

La présentation des résultats peut se faire sous différentes formes. Les concepteurs de l’outil en proposent 3 formes principales.

Diagramme des valeurs moyennes

AttrakDiff_results_1Les valeurs moyennes des différentes dimensions de l’AttrakDiff sont représentées sur ce diagramme. Les qualités hédoniques stimulation et hédoniques identité sont distinguées et l’attractivité globale est présentée.

Les valeurs proches de la moyenne (zone entre 0 et 1) sont standards. Elles ne sont pas négatives et remplissent leur fonction. Toutefois, des améliorations sont possibles sur ces aspects pour créer une UX ou attractivité très positive.

Graphique des paires de mots

Ce diagramme présente les valeurs moyennes pour chaque paire de mots. Les items sont regroupés par sous-échelles et placés autour d’un continuum avec au centre la valeur neutre 0, ce qui permet de distinguer très rapidement quels aspects sont perçus comme négatifs et quels aspects sont perçus comme positifs.

Les valeurs extrêmes (entre -2 et -3 ou à l’inverse entre +2 et +3) sont particulièrement intéressantes. Elles montrent quelles dimensions sont critiques ou au contraire particulièrement positives, et appellent à des actions d’amélioration sur ces aspects.

Portfolio des résultats

Dans cette représentation des résultats, les valeurs moyennes obtenues aux échelles hédoniques sont représentées sur l’axe vertical (avec en bas valeur la plus basse, soit -3) et la valeur moyenne à l’échelle pragmatique est représentée sur l’axe horizontal (à gauche valeur la plus basse). Selon les scores obtenus aux deux dimensions, le produit ou système évalué sera positionné dans l’une des zones, définissant ainsi sa « personnalité » ou son « orientation ».

Chaque valeur moyenne est entourée d’un rectangle représentant l’intervalle de confiance du résultat. Le rectangle de confiance montre si les utilisateurs ont fait une évaluation homogène du produit ou si on constate une grande variété dans l’évaluation. Plus l’intervalle de confiance est grand, plus l’évaluation a varié selon les utilisateurs. Ainsi, il est plus difficile de catégoriser le produit dans une zone particulière. Un petit intervalle de confiance est un avantage car il signifie que les résultats sont plus précis et plus fiables.

Conseils pratiques

  • L’AttrakDiff étant un outil quantitatif, essayez d’avoir un échantillon d’utilisateurs raisonnable pour une passation.
  • Ne modifiez aucun élément de l’AttrakDiff (formulation des items, nombre d’items, format, ordre de passation, etc) sous peine de détériorer les qualités psychométriques du questionnaire.
  • Utilisez la version courte (abridged AttrakDiff) en 10 items si vous ne pouvez pas faire passer l’échelle complète.
  • Ajoutez avant ou après l’AttrakDiff des questions socio-démographiques pour croiser les résultats en fonction de certaines caractéristiques de votre échantillon. Les plus fréquentes sont le sexe, l’âge et le sentiment de maîtrise des technologies.

Retrouvez les items de la version française ainsi que les instructions de passation dans la section Ressources.

La version abrégée du questionnaire consiste en une sélection de dix items sur les 28 que comprend l’outil d’origine Voilà les codes des items à retenir pour la version courte :
• qualité pragmatique (4 items) : QP2, QP3, QP5, QP6 ;
• qualité hédonique (4 items) : QHS5, QHS2, QHI3, QHI4 ;
• attractivité (2 items) : ATT2, ATT5.

Sources